Thursday, December 25, 2014

Citation du 26 décembre 2014

Acrius ubi me / Natura incendit, sub clara nuda lucerna / Quaecumcumque excepit / turgentis verbera caudae / Clunibus
Horace, Satires II, 7

Traduction 1 :
« Quand je suis pris de luxure, aussitôt je m'adresse à la première venue, et tout de suite, à la clarté d'une lampe fétide et comme ferait une bête en chaleur, je me rue.... »
 Traduction 2 :
« Quand l'aiguillon de la chair se fait sentir à tes sens bouleversés, là, voyons, la première venue, ou moins encore, est-elle si méprisable qu'elle ne suffise à ton allégeance ? »
Traduction de Jules Janin (1860)
Traduction 3 :
Quand la chaleur de la nature m'excite, celle qui, à la lueur d'une lanterne, est possédée par moi ou me possède, me renvoie
Traduction: Lecomte de Lisle – Horace, traduction nouvelle
Traduction 4 :
Quand l’ardeur de l’amour me raidit, l’amante quelconque qui, nue sous la clarté d’une lampe, a reçu les coups de mon arme bandée, ou qui, me couchant sous elle, m’a chevauché des mouvements lascifs de sa croupe
Traduction François Villeneuve, Les Belles lettres, « Guillaume Budé », 1958
Traduction littérale :
« Quand la nature m’échauffe trop, à la lumière d’une lanterne, la première venue, toute  nue, reçoit les coups de ma queue gonflée entre ses cuisses »

Illustration de ce passage par Victor Hugo
o-o-o
La traduction est-elle une science ? Nous qui avons peiné sur nos versions latines et récupéré notre copie maculée d’encre rouge (je parle pour moi, pas pour vous) nous en avons été persuadé. On aimerait donc qu’une seule de ces traductions soit valable. Oui, mais alors pourquoi l’autre a-t-elle été aussi validée par l’usage ?
C’est en effet un enjeu aujourd’hui, quand les honnêtes gens ne publient sur Internet que des textes libres de droit d’auteur. Car ça nous conduit à ne lire que des traductions très anciennes, souvent du 19ème siècle, et qui répondent à des critères très particuliers : à l'époque, personne n’avait besoin d’une traduction d’une exactitude scientifique. En effet tous ceux qui avaient cette exigence par rapport au texte savaient suffisamment de latin pour trouver ce dont ils avaient besoin dans le texte original. La traduction était pour ceux qui, ignorant le latin, avait quand même envie de lire ces œuvres. On leur fournissait donc le genre de traductions qu’on vient de citer, fort élégante mais parfois loin – très loin – du texte original. Aujourd’hui les traducteurs de certains ouvrages et pas seulement en langue ancienne, se donnent pour objectif de rester le plus près possible du texte original – quitte à ne pas traduire les termes sans équivalents en français : il y a des pages de Heidegger fort amusantes de ce point de vue.

Revenons à notre exemple : en réalité toutes ces traductions disent la même chose : ce passage d’Horace nous attrape par … le bas-ventre, et chacun réagit selon son tempérament ou selon son époque. Ici, l’avantage est que nous n’avons pas besoin de passer par des  considérations scientifiques pour comprendre en quoi elles diffèrent entre elles.

2 comments:

Fany said...

Coucou Jean-Pierre...

Je fais ma propre traduction...:

Quand l'envie me prend, je suis prêt à m'adresser à la première venue qui voudra bien ...

Le reste est intime et superflu,(enrobé) je pense- enfin, je pense comme la femme que je suis...

Avoir un NOM et une Notoriété pour traduire ça change la donne ...

Bonne soirée

F'

Jean-Pierre Hamel said...

Superflu : sauf si vous êtes Horace : là - et seulement là - est l'intérêt de la chose...
Bon dimanche
J-P