Friday, December 05, 2014

Citation du 6 décembre 2014

Vers quel horizon sublime faut-il lever les yeux ? (…) L’avenir de l'art contemporain (est) dans la recherche d'une expression des nouveaux visages du sacré, de la transcendance dans l'immanence qui seule désormais convient à un monde démocratique.
Luc Ferry, Y a –t-il une beauté moderne ? In La sagesse des Modernes, (A Comte-Sponville et Luc Ferry, Pocket, 1999)

Quand on parle de l’art contemporain, vers quel horizon sublime faut-il lever les yeux ? La question est beaucoup plus évidente qu’il n’y parait : l’œuvre d’art se reconnaît à une profondeur, un éclat, bref : une transcendance sans la quelle elle n’est rien d’autre qu’un banal objet, éventuellement décoratif. La beauté dont on faisait habituellement son exclusivité jouait ce rôle.
Mais, depuis que Duchamp a crayonné des moustaches à la Joconde, plus rien ne vient soutenir cette transcendance. L’art descendu de son piédestal, désacralisé, a perdu toute sublimité. Du coup, les musées d’art modernes en sont venus à accueillir n’importe quoi, à condition que les critiques d’art crient très fort au génie et que ce soit très cher.
Jeff Koons – dont l’exposition à Beaubourg fait polémique.
Bref : comment restaurer cette dimension privilégiée de l’art ? Comme redonner à l’œuvre d’art son aura sans pour autant être obligé de se relancer dans des arguties sur la beauté ?
Il faut re-sacraliser l’œuvre d’art, et cela dans un monde « démocratique » (Luc Ferry) – en tout cas désenchanté pour reprendre l’expression de Max Weber (1).
Luc Ferry répond : transcendance dans l'immanence. Paradoxe, oxymore (2) ? Rien de tout cela ne fait avancer le problème. Sauf qu’on devine (après avoir lu son débat avec Marcel Gauchet (3)) que Ferry fait référence au déplacement du sacré vers l’individu, vers la valeur de l’intériorité et son élargissement vers l’autre dans l’amour. L’homme, non comme essence mais comme individualité, est devenu cet horizon indépassable de valeur dont nous parlions en commençant.
Et l’art dans tout ça ? Suivant la thèse de Luc Ferry, c’est dans l’individu que se trouve la source de la transcendance, de cet espace non-clos dont l’horizon ouvre sur le lointain. C’est donc au créateur que l’œuvre doit sa qualité d’œuvre d’art :  ce qui fait d’une œuvre de Jeff Koons une œuvre d’art, c’est qu’elle nous montre non pas ce que cet homme porte en lui, mais ce qui peut jaillir en lui à titre de nouveauté radicale.
Pour ma part, j’ai un peu de mal à penser la transcendance sur le mode de l’hyper-immanence : mais enfin, libre à  chacun de vivre son œuvre comme ça :
Jeff Koons avec l’une de ses créations
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(1) « Le désenchantement du monde [dans l'esprit de Weber], ce n'est pas seulement la négation de l'interférence du surnaturel dans l'ici-bas, mais aussi : la vacance du sens. » C. Colliot-Thélène, Max Weber et l'histoire, PUF, 1990, p. 66

(2) « Le transcendant est ce qui est au-delà, ce qui dépasse, surpasse, en étant d'un tout autre ordre
Est immanent le principe dont non seulement l'activité n'est pas séparable de ce sur quoi il agit, mais qui le constitue de manière interne. L'idée d'immanence est en corrélation avec celle de transcendance, qui est le fait d'avoir une cause extérieure et supérieure. » Art. Wiki.

(3) Luc FERRY, Marcel GAUCHET, Le religieux après la religion, Paris, Grasset, 2004.

2 comments:

Anonymous said...

Oui, Jean-Pierre, comme vous j'ai quelquefois du mal à m'extasier sur certaines œuvres d'art contemporaines!

Pour le plaisir, "La Belle Dame sans Merci", peinture de Frank Bernard Dicksee

Là:

http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Belle_Dame_sans_merci_%28po%C3%A8me%29#mediaviewer/File:La_Belle_Dam_Sans_Merci.jpg

Et,joyeuse St Nicolas- très fêté en Lorraine

Fany

Jean-Pierre Hamel said...

Voici une peinture fort "courtoise" en effet ! Je ne connaissais pas, merci de me l'avoir fait découvrir
Bon dimanche
J-P