Sunday, August 16, 2015

Citation du 16 aout 2015

On construit des maisons de fous pour faire croire à ceux qui n'y sont pas enfermés qu'ils ont encore la raison.
Montaigne

Voilà un relativisme bien courant chez Montaigne : de même que les barbares sont ceux qui nous paraissent étrangers à nos coutumes, les fous sont simplement ceux qui  ne font pas le même usage que nous de la raison (ou de la déraison). De la même façon nous disons aujourd’hui que les psychiatres devraient être enfermés et leurs fous libérés : la société n’y perdrait rien.


Personnellement je n’aime pas trop ce genre de réflexion qui sollicite plutôt la paresse intellectuelle qu’un raisonnement dûment élaboré. Par contre, cette citation de Montaigne nous donne l’occasion de repenser la notion de frontière : la maison de fous se caractérise non par ce qui s’y passe, puisque finalement les gens qui sont dehors pourraient bien être admis à l’intérieur, mais par le fait qu’elle divise l’espace en deux partie : l’espace-dehors et l’espace-dedans. On dirait avec raison que cette image de l’asile de fous pourrait bien s’appliquer aussi aux prisons – ce qui ne nous surprendra pas, puis que les maisons d’aliénés du temps de Montaigne (et bien sûr longtemps après) étaient en fait des lieux de détention.
Tout cela repose aussi sur l’idée que nous nous définissons par le lieu que nous occupons dans la société et par la position hiérarchique que nous y occupons. Nous avons ainsi les hôtels minables pour les pauvres et les palaces pour les riches ; les vieilles guimbardes pour les Smicards et les grosses voitures rutilantes pour les banquiers. On se dit alors qu’il suffirait qu’on glisse d’une catégorie dans une autres – que par exemple on prenne nos vacances aux Maldives plutôt qu’au camping des Flots Bleus de la Tranche-sur-Mer (Vendée) et voilà que d’un coup on deviendrait différent, notre statut nous propulsant alors dans la stratosphère du gratin social. C’est ce que nous vend La Française des Jeux en nous faisant croire qu’on va, en gagnant à ses loteries, devenir d’un coup quelqu’un d’autre.
Et si c’était vrai ?

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