Monday, August 17, 2015

Citation du 18 aout 2015

En vérité le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes et nous ne tenons les uns aux autres que par nos paroles.
Montaigne Essais Livre I, chapitre 9 « Des menteurs » (cf. citation en annexe)
Nous avons vu il y peu comment selon Durkheim les hommes tenaient les uns aux autres grâce à la satisfaction des besoins sociaux. Pour Montaigne, la situation est différente. Ici point d’échanges économiques, point de dépendance mutuelle selon des règles, ni de satisfaction collective des besoins individuels – du moins ce n’est pas ce qui prime, car c’est par la parole que nous tenons les uns aux autres : la parole devient le lieu primordial d’échange, principal pont jeté entre les individus. Mais la parole ne peut réunir les hommes qu’autour de la réalité, c’est à dire quand cette parole est vérace : maudits soient les menteurs ! Si la parole est partage, elle ne l’est vraiment que si elle nous offre le partage non pas de sentiments ou d’opinions, mais de réalité.
Ou plutôt : on peut bien sûr partager avec les autres en « disant » nos sentiments ; mais ils doivent alors être dits avec sincérité et  non simulés : peu importe que l’amoureux parle avec élan et poésie de son amour. S’il le fait tant mieux ; mais si c’est menterie, alors c’est un désastre. On doit avoir confiance dans la parole de l’autre, sinon c’est tout l’édifice des relations sociales qui s’écroule.
On dit qu’en économie la confiance est indispensable : voyez les créanciers de la Grèce qui refusaient de croire les promesses des négociateurs grecs : il fallait mieux que des mots – il fallait des dépôts de garantie. Mais au bout des nuits de négociations, c’est quand même la signature apposée au bas du parchemin qui a scellé l’accord.
Signer, c’est donner sa parole.
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« En vérité le mentir est un maudit vice. Nous ne sommes hommes, et ne nous tenons les uns aux autres que par la parole. Si nous en connaissions l'horreur et le poids, nous le poursuivrions à feu, plus justement que d'autres crimes. Je trouve qu'on s'amuse ordinairement à châtier aux enfants des erreurs innocentes, très mal à propos, et qu'on les tourmente pour des actions téméraires, qui ne laissent ni empreinte ni suite. La menterie seule, et un peu au dessous, l’entêtement, me semblent être celles desquelles on devrait à toute instance combattre la naissance et le progrès, elles croissent avec eux : et après qu'on a donné ce faux train à la langue, c'est merveille combien il est impossible de l'en retirer. Par où il advient, que nous voyons des honnêtes hommes d'ailleurs, y être sujets et asservis. J'ai un bon garçon de tailleur, à qui je n'ouïs jamais dire une vérité, même pas quand elle s'offre pour lui servir utilement. » (Texte légèrement modifié – Cf. Edition Pinganaud – Arléa)

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