Wednesday, January 13, 2016

Citation du 14 janvier 2016

Chacun porte une langue prête à médire de l'étranger et se laisse aller facilement à le salir de ses propos.
Eschyle – Les Suppliantes (v. 490 av. J.-C.)
Les tragédies grecques sont encore à bien des égards très actuelles. Voyez cette citation d’Eschyle, qui remonte à 25 siècles. Quelle fraicheur ! Quelle actualité ! Quelle opportunité ! Puisque nous vivons dans un monde radicalement différent (par exemple notre société n’est plus fondée sur l’esclavage) nous devons attribuer cette communauté de conduite à notre nature et non à notre culture : il est dans la nature des hommes de médire des étrangers, et de les salir tant qu’il est possible.

Brandissons le poing et proclamons : « Maudite soit cette nature qui nous a faits si coupables de mépris ! » Bravo ! Voilà qui est dit. Mais le philosophe, il n’aurait donc rien à ajouter ?
Eh bien, si. Ne voyons-nous pas que cette tendance mauvaise ne se manifeste pas seulement à propos des étrangers : voyez ce qu’on dit des pédés. Et tant qu’on y est, écoutez les joyeux buveurs à la sortie du bar et qui voient passer une jeune et jolie fille.
Alors quand on fait des lois pour réprimer tout ça, le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie, l’homophobie, le harcèlement sexuel, etc., on entend les protestations. « Comment ? On n’aurait pas le droit de dire ce qu’on pense de tous ces gens ? Et la liberté d’expression, qu’est-ce que vous en faites ? »

Regardons-nous en face : le désir qui se manifeste ici, c’est le désir de mépriser et de haïr. C’est ça qu’on aime ; et pour cela il nous faut quelqu’un de méprisable – c’est à dire quelqu’un de plus faible que nous.

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