Monday, January 04, 2016

Citation du 5 janvier 2016

L'hiver. Le mot seul possède une assonance antipathique.
François Latraverse – La Vérence
Invierno (esp, italien) Winter (anglais, allemand), zima (russe, serbe), dongtian (chinois)…
Oui, à chaque fois qu’on veut établir un rapport entre le signifiant et le signifié on tombe sur ce genre de constatation : les différents langues n’ont pas les mêmes sonorité pour dire la même idée.
Dans le Cratyle, le dialogue de Platon (1), celui-ci reconnait ce fait, mais il exige quand même que les mots contiennent des éléments (on dirait aujourd’hui des phonèmes) faits à la ressemblance des idées exprimées : tel son convenant à signifier telle chose plutôt que telle autre. Il admet certes que différents mots aient la même signification, mais il affirme que certains mots sont mieux adaptés que d’autres pour dénommer la chose qu’ils signifient. De toute façon il reste exigible que la racine du mot comporte les sons appropriés ; les autres sons opacifient ce sens sans le dissimuler totalement. Pour Platon, les langues doivent obligatoirement être calquées sur la réalité, des choses ou des idées : « Consens donc, sans hésiter davantage, brave Cratyle, à reconnaître des noms qui conviennent aux choses et d'autres qui ne leur conviennent pas ».

La linguistique contemporaine refuse ce principe : selon elle, dans le signe linguistique, le « mot » et le « sens » n’ont aucun rapport nécessaire l’un avec l’autre, leur relation est strictement conventionnelle. Inutile de classer les langues selon l’affinité de leurs mots avec la réalité qu’ils désignent ; inutile donc de chercher si l’hiver doit se dire hiver plutôt que dongtian.
Et la poésie dira-t-on ? Le poète l'affirme : il a le don de connaitre l'affinité entre les sons et les choses et de savoir en jouer ; il joue avec les sons comme le petit enfant avec son émouvant babil.
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(1) Platon – Cratyle : « « Consens donc, sans hésiter davantage, brave Cratyle, à reconnaître des noms qui conviennent [432e] aux choses et d'autres qui ne leur conviennent pas; et n'exige pas qu'ils renferment toutes les lettres nécessaires pour les rendre de tout point conformes à ce qu'ils désignent; mais plutôt accorde-nous que, dans un mot, peut être introduite telle lettre qui ne soit pas convenable ; et si une lettre dans un mot, un mot dans la phrase; si un mot dans la phrase, une phrase dans le discours, sans qu'il faille contester pour cela que les mots et le discours expriment la chose, du moment que l'on y trouve le caractère distinctif de cette chose, comme nous l'avons trouvé en examinant [433a] les noms des lettres ; car tu te rappelles ce que nous en avons dit précédemment Hermogène et moi. » Lire ici

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