Thursday, November 15, 2007

Citation du 16 novembre 2007

On l'appelle Cuisse de Mouche fleur de banlieue
Sa taille est plus mince que la retraite des Vieux

Cuisse de mouche Paroles et Musique: Pierre Perret (1968)

Pour le texte, on le trouve encore ici

C’était en 1968 : la retraite des vieux était tellement faible qu’elle servait d’étalon pour mesurer la minceur.

Nous sommes en 2007 : 40 ans après, la retraite (qui n’est plus « des vieux », puisqu’il n’y a plus que des seniors(1)) est devenu synonyme de période faste, consacrée aux voyages et aux loisirs, rendue possible par des pensions généreuses, arrachées à la génération laborieuse qui s’échine pour subventionner des inactifs - qui, quant à eux, s’ingénient à vivre le plus longtemps possible à leurs crochets.

Ainsi va l’histoire… Si Pierre Perret devait réécrire sa chanson, il devrait remplacer la retraite par le RMI ou le revenu des étudiants.

Mais aujourd’hui, si on n’écrit plus de chansons sur les retraites, on se pose pourtant toujours la question : que peut-on faire des vieux ?

1 - On peut s’en débarrasser : voir le film « La balade de Narayama » (Post du 28 mai 2007). Que chacun ne vive que s’il produit ce qui lui est nécessaire.

2 - On peut les faire travailler : dans le cadre de la division du travail, les vieux peuvent par exemple enseigner les plus jeunes. Bien sûr cela suppose une technologie qui repose sur un savoir-faire se transmettant plus par l’apprentissage et l’observation que par l’acquisition de savoirs scientifiques. Ça suppose aussi que ces techniques n’évoluent pas - ou peu - de telle sorte que les vieux restent compétents.

3 - Les actifs peuvent leur redistribuer le surplus de production, en espérant en bénéficier eux-mêmes plus tard.

4 - On dit aussi : c’est aux actifs de prévoir leur retraite pendant leur vie active : qu’ils se payent une complémentaire-retraite ou une assurance vie, peu importe, mais au moins, le temps de la retraite venue, ils n’auront pas à tendre la main pour vivre.

- Et que dirait Marx ici ? Il dirait : toute ressource vient du travail. Les rentes ne servent à quelque chose que si des actifs produisent de quoi les convertir en biens de consommation. Un peuple de rentier mourrait de faim s’il n’avait des jeunes travailleurs pour l’alimenter. C’est ainsi que le roi Midas, ayant obtenu la grâce de transformer tout ce qu’il touchait en or, faillit mourir de faim parce que tous les aliments dont il se saisissait devenaient instantanément de l’or.

Bref : on comprend qu'il n'y a pas une différence essentielle entre ces deux formes de retraite que sont la retraite par répartition et la retraite par capitalisation : dans les deux cas les vieux ne vivent que grâce au travail des jeunes. D'ailleurs je trouve qu'aujourd'hui il y a assez peu de gens naïfs au point de prétendre que les fonds de pensions soient la solution à nos problèmes de retraite.

Ceux qui ne l’entendent point sont sans doute comme le roi Midas qui - en plus - avait des oreilles d’âne.

(1) Excusez moi: je n’arrive toujours pas à remplacer les vieux par les Senior (ex. : la SNCF édite une « carte jeune » ; pourquoi pas une « carte vieux » ?)

4 comments:

Djabx said...

1 - On peut s’en débarrasser
Il faudrait pour ça que notre société est une autre approche sur la vie et surtout la mort.
Je suis stupéfait de nos jours que la plus part des gens refuse catégoriquement l'idée de mort. De plus dès qu'on leur rappel cette unique réalité certaine qui s'offre à eux leur réaction est sans appel: on est un pessimistes, dépressif qui a des envie suicidaire (voir plus si affinité). Cf le problème sur l'euthanasie...

2 - On peut les faire travailler : [...] les vieux peuvent par exemple enseigner les plus jeunes.
Bonne idée, il faudrait seulement qu'il y est un peu plus de "respect générationel". Actuellement pour un jeune, un vieux c'est quelqu'un de dépassé par son temps, qui n'a rien compris à la vie et qui n'a pas su vivre avec son temps (Même si celui-ci est toujours bon techniquement). Pour un vieux, un jeune il a rien compris à la vie, il va droit dans le mur car il n'a pas appris comme lui: "à l'ancienne".

3 - Les actifs peuvent leur redistribuer le surplus de production
C'est ce qu'il y a actuellement, et on peut voir les limites de ce système.
Sans parler que certaines profession (libéral entre autres) cotisent énormément pour pas grand chose en retour (bien moins que pour la même somme engagé dans un système de pension). Donc il existe un gros déséquilibre entre les professions (cf actualité), mais aussi entre les générations de taille différente...

4 - On dit aussi : c’est aux actifs de prévoir leur retraite pendant leur vie active
C'est un choix. Seulement ces organisme de pension, se retrouvent très vite à gérer des fortunes colossales et donc sont d'énormes bras de levier qui pèse très (trop?) lourd dans l'économie mondiale; ils demandent aux sociétés qu'ils achètent d'avoir des rendement astronomique sous peine de les revendre en plusieurs morceaux afin de faire leur marge. Bref, implicitement (et toujours en caricaturant un peu), les vieux (retraités) détruisent le travail des jeunes (actifs) alors qu'ils prétendent le soutenir.

Donc comme on peut le voir: c'est pas gagné. Même si je dois avouer que la technique 1 me plait surement plus que les autres... (vous êtes prévenu)

Jean-Pierre Hamel said...

« vous êtes prévenu »
Merci, je vais rajouter un verrou à ma porte, avec tous ces jeunes qui traînent dehors en ce moment que les facs sont en grève, les rues ne sont pas sûres…
Sérieusement, si jamais la question du statut des vieux venait à être posée, ça voudrait dire que depuis les débuts de l’histoire une question comme celle-là revient toujours, et donc que sa solution n’est jamais définitive. (Pour mémoire, rappelons que dans les temps anciens les vieux étaient craints et vénérés parce qu’était plus près de l’au-delà ils pouvaient intercéder auprès des Dieux en faveur de la famille. Et évidemment après leur mort on leur rendait un culte comme à des Dieux)

Djabx said...

Pour continuer sur "les vieux" et le rapport à la mort dans nos sociétés, je trouve intéressant le fait que dans nos sociétés on a plus de peine pour un jeune enfant qui n'a pas connu la vie, que pour "un vieux" qui part avec tout son savoir et son expérience.

En Afrique noir, c'est en général l'inverse qui se passe (probablement due à une forte mortalité infantile et une mémoire essentiellement oral).

On notera quand même que pour nos "petit vieux", on veut quand même qu'ils vivent le plus longtemps possible et pour ça on met tout en œuvre: les meilleurs spécialiste et des labos de recherche entiers; qu'importe les conditions d'ailleurs, il faut juste qu'ils vivent.

Mon arrière Grand-mère disait dans sa maison de retraite que tout ce qu'elle faisait de ses journées c'était attendre la mort, et qu'elle avait hâte de retrouver son maris. Heureusement pour elle, six mois après son entré dans la maison de retraite, il y a eu une "sacré" canicule (ou canicule sacré?).
En y repensant, je suis content de l'avoir connu toujours pleine d'esprit, et avec tout sa tête, même si j'ai beaucoup de peine de ne plus pouvoir la voir encore aujourd'hui, je sais que c'est ce qu'elle voulait plus que se voir diminuer jours après jours.

Jean-Pierre Hamel said...

- « dans nos sociétés on a plus de peine pour un jeune enfant qui n'a pas connu la vie, que pour "un vieux" qui part avec tout son savoir et son expérience »

C’est vrai, sans doute parce que nous avons une vision « statistique » de l’existence : chacun a droit à 78,4 année d’existence (moyenne fantaisiste que j’imagine pour la circonstance), ce qui fait que le nouveau né qui meurt perd beaucoup plus que le vieillard qui s’éteint (voyez l’expression !) à 83 ans : y a rien à dire, il a même eu du rabiot.

- « se voir diminuer jours après jours »
Rien à dire non plus : c’est à chacun de savoir si sa vie personnelle doit être prolongée ou pas. Le seul problème, c’est l’énigme de la mort. Personne ne sait ce que c’est - et même pas s’il y a quelque chose à connaître.
En fuyant la vie, je sais ce que je fais ; en choisissant la mort, je ne sais pas ce que je fais.