Tuesday, August 16, 2011

Citation du 17 aout 2011


Je suis un être mauvais, parce que je suis malheureux.

Mary Shelley – Frankenstein ou le Prométhée moderne Ch. XVII (édition Folio – page 203)

The bride of Frankenstein, film de James Whale, 1935 (à voir ici, durée 75 minutes)

Tout le drame du monstre de Frankenstein (1) est d’être unique, incomparable : différent des autres, il leur fait peur ; affligé de leur réaction, il les violente. On comprend vite qu’il est une icône du héros romantique, qui cherche l’amour pour sortir de sa solitude, et qui s’estime maudit parce qu’incompris.

Mais il y a plus : le Monstre se sait horrible – il le sait par la terreur qu’il engendre (2). Toutefois, ce pouvoir qu’il a sur les autres, au lieu d’en jouir, il veut le perdre : il veut oublier sa laideur dans un regard aimant, ou dans l’humanité d’un accueil, (comme avec l’aveugle du film). C’est l’échec de cet espoir qui anime toute l’histoire : rejeté par les autres, blessé par le dégoût qu’ils lui manifestent, il va les détruire.

Que demande le pauvre Monstre à Frankenstein ? Pour échapper à la solitude, il lui réclame un alter ego – ou plutôt une âme sœur : « Fabrique-moi une femme ! ».

Le Frankenstein de Mary Shelley s’y refusera. Celui du film de James Whale (qui introduit à cette fin le personnage diabolique de Pretorius) s’y résoudra ; mais la créature féminine qui sort de son laboratoire aura elle aussi horreur du Monstre.

Il faut dire qu’elle était moins laide que lui (encore que le nom de l’actrice jouant le rôle de la fiancée ne figurât pas au générique).

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(1) On sait que Mary Shelley ne l’a pas nommé, désignant l’être créé par Frankenstein du nom de « démon » ou de « monstre ». On se plait dans les commentaires à souligner que le monstre-sans-nom, après avoir pris à son créateur tous les êtres qui lui étaient chers, à défaut de lui prendre aussi la vie, lui a pris son nom.

D’ailleurs c’est déjà fait avec le film dont nous parlons aujourd’hui : « la fiancée de Frankenstein » n’est sûrement pas celle du baron Frankenstein. A la rigueur on pourrait entendre « la fiancée créée par Frankenstein », mais c’est peu probable qu’on y pense.

(2) Il n’y a pas que le regard des autres qui lui révèle sa disgrâce : dans le film de Whale, on voit le Monstre qui tel Narcisse aperçoit son visage dans le reflet d’une fontaine ; mais c’est son épouvantable laideur qu’il découvre.

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