Wednesday, January 02, 2013

Citation du 3 janvier 2013



Une trace ineffaçable n'est pas une trace.
Jacques Derrida
Un peu de sémiologie, histoire de changer d’air: ça va faire une pose dans les citations contextualisées de fin d’année.
La trace est une marque, une empreinte, comme les pas dans la neige, les cailloux du Petit Poucet, ou la lettre M tracée à la craie sur l’épaule de M – Le Maudit (à voir ici).
Une trace qui ne s’effacerait pas, qu’est-ce que ce serait ?
Par exemple la tache de sang sur la clé que la pauvre épouse restitue à Barbe-Bleue (1).
Pourquoi cette tache n’est-elle pas une trace ? Simplement parce qu’elle ne s’efface pas ? Pas tout à fait – Regardez de plus près l’image de la clé (ci-contre), voyez la tache sur la clef : le sang en goutte encore. Il ne s’agit pas d’un signe qui renvoie à quelque chose qui n’est plus là (la trace des pas alors que le marcheur est parti), il s’agit du sang véritable des victimes de Barbe-Bleue. Alors que la trace est comme un symbole qui renvoie à quelque chose qui est absent, raison pour laquelle elle est effaçable, la marque est une partie de ce qui constitue la réalité.
De fait dans le domaine psychologique, la trace appartient au passé, et si c’est un souvenir dont on ne peut se défaire, du moins ses effets en sont effaçables comme le dit Derrida, comme par exemple le chagrin lors de la mort d’un être cher et dont les effets sont atténués par le « travail de deuil ».
Dans le cas de Barbe-Bleue, la tache de sang sur la clé qui résiste au nettoyage est bien sûr une image de la faute dont on ne peut se débarrasser et qui blesse en permanence la conscience.
Deux remarques pour finir :
- Selon l’une des Morales du conte (cf. texte référencé), c’est la curiosité des femmes qui est pointée : Barbe-Bleue était certes très méchant, mais sa femme n’en était pas moins coupable.
- Selon l’autre Morale, ce conte sert surtout à montrer la mansuétude des maris d’aujourd’hui, comparés à l’horrible sévérité de Barbe-Bleue.
Barbe-Bleue : les maris lui disent merci !
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(1) Ceux qui ont gardé leur âme d’enfant pourront frissonner tout à leur aise en relisant le conte de Perrault ici

1 comment:

Anonymous said...

On peut voir une autre « morale », entre le début et la fin…

...« La Barbe bleue, pour faire connaissance, les mena avec leur Mère, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes gens du voisinage, à une de ses maisons de Campagne, où on demeura huit jours entiers. Ce n'était que promenades, que parties de chasse et de pêche, que danses et festins, que collations : on ne dormait point, et on passait toute la nuit à se faire des malices les uns aux autres; enfin tout alla si bien, que la Cadette commença à trouver que le Maître du logis n'avait plus la barbe si bleue, et que c'était un fort honnête homme. Dès qu'on fut de retour à la Ville, le Mariage se conclut »….

HAPPY END !

…Il se trouva que la Barbe bleue n'avait point d'héritiers, et qu'ainsi sa femme demeura maîtresse de tous ses biens.
Elle en employa une grande partie à marier sa soeur Anne avec un jeune Gentilhomme, dont elle était aimée depuis longtemps; une autre partie à acheter des Charges de Capitaine à ses deux frères ; et le reste à se marier elle-même à un fort honnête homme, qui lui fit oublier le mauvais temps qu'elle avait passé avec la Barbe bleue.
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F'(9763 nglysst)