Monday, January 07, 2013

Citation du 8 janvier 2013



Il y a dans notre Europe une nation célèbre par son équité et par sa valeur qui ne paye aucune taxe : c'est le peuple helvétien. […]
Ainsi, monsieur, les Suisses ne sont pas de droit divin dépouillés de la moitié de leurs biens; et celui qui possède quatre vaches n'en donne pas deux à l'Etat ? […]
Ah! qu'on me fasse Suisse! Le maudit impôt que l'impôt unique et inique qui m'a réduit à demander l'aumône !
Voltaire – L’homme aux 40 écus (1768) [Entretien avec un géomètre]
En France, pays où l’actualité est en sommeil, on n’a trouvé pour s’exciter un peu que le cas de Gérard Depardieu, qui s’est fait Russe pour échapper à l’impôt. Et chacun de le couvrir de le honte et de crachats, et d’oublier des précédents illustres (et combien sympathiques !) comme le billet de 500 francs brûlé en public par Serge Gainsbourg en 1984 pour protester contre l’imposition (à l’époque elle n’était que de 50%...)

Ayant lu dans la presse que l’impôt sur les gros revenus était un exemple d’iniquité, et que contre cette injustice fiscale, seule l’expatriation pouvait apporter un remède, je me suis plongé dans ma bibliothèque pour trouver des références historiques, et j’en ai sorti un vieil exemplaire de l’Homme aux 40 écus de Voltaire (1).
Dans ce pamphlet un homme qui possède de la terre est réduit à la mendicité en raison de l’excès d’impôt prélevé par l’Etat. Pourtant ainsi que le montre un géomètre, si l’on divisait la surface cultivable de la France par le nombre de ses habitants (20 millions), chacun tirerait de ce lopin de terre 40 écus par an pour vivre ce qui sans le rendre riche, devrait lui permettre de vivre décemment.
Le malheur est que les plus riches, ceux qui tirent leurs ressources des taxes prélevées sur le peuple ou qui vivent de l’industrie et du commerce ne sont pas eux-mêmes taxés, parce que seule la terre peut l’être. Le paysans qui travaille doit non seulement nourrir le seigneur du lieu, mais encore le curé et l’évêque, et puis encore l’Etat (2), qui va lui pomper toutes ses ressources et le jeter en prison quand il sera défaillant. Cet impôt prélevé uniquement sur la terre est ce que l’Homme aux 40 écus dénonce comme impôt unique
Vous l’avez deviné en lisant les extraits cités ici, le pays exemplaire en matière d’impôt est la Suisse, pays où l’impôt est fort réduit et où tout un chacun acquitte la taxe. On lira les idées développées par Voltaire pour accréditer cet exemple. Mais qu’on comprenne bien que le seul impôt juste est celui qu’on ne nous réclame pas.
On rétorquera que l’impôt – du moins celui dont on parle aujourd’hui – n’est pas seulement destiné à nourrir l’Etat, mais qu’il permet aussi de redistribuer les ressources en direction de ceux qui n’ont rien.
Et il est vrai que Voltaire avec sa fiction de la terre répartie à égalité entre les citoyens contourne le problème de la redistribution. Mais qu’on ne l’oublie pas : s’il eut une grosse fortune, Voltaire ne manqua pas d’en faire profiter ses concitoyens de Ferney. (Vu ici)
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(1) Ceux qui ne l’auraient pas à disposition n’ont qu’à le télécharger ici.
Pour une brève analyse, voir ici
(2) L’Etat, nommé par Voltaire « la puissance législatrice et exécutrice »

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