Friday, May 10, 2013

Citation du 11 mai 2013



Jay Gatsby … était né d’une conception platonique de lui-même.
F. Scott Fitzgerald – Gatsby le magnifique (1)
Scott Fitzgerald contourne avec élégance le mystère de l’auto engendrement (comment faire pour se créer soi-même puisqu’il faut bien exister déjà pour ensuite, se porter à l’existence ?).
En effet, Gatsby se conçoit lui-même en se forgeant un modèle, qu’il choisit et adapte à sa volonté. Il était bien avant d’être, mais il n’était alors pas encore Gatsby le magnifique.
Cette pensée nous conduit à une réflexion sur le père – pas forcément celui des lacaniens, pas seulement celui qui nous a engendré, mais aussi celui qui nous a donné à voir quel pourrait –quel devrait – être notre avenir.
L’originalité de Gatsby est en effet d’avoir non pas subi ce père, mais de l’avoir choisi – et de l’avoir choisi non pas seulement par lui-même mais aussi en lui-même :
« Il était fils de Dieu – expression qui dit très exactement ce qu’elle veut dire – et il se devait aux affaires de son Père, à l’avènement d’une immense, populaire et clinquante beauté. Il s’était donc forgé un archétype de Jay Gatsby… » (p.132)
Il est donc père de lui-même dans la mesure où, comme le Christ il fusionne avec lui dans la Sainte Trinité. De façon plus profane, on dira qu’ici le fils s’est forgé un archétype de ce qu’il devait être à partir d’une image investie du rôle du père (2).
Bref, son véritable père est ce modèle qu’il s’est choisi, et c’est cela qui nous intéresse aujourd’hui.
Dès lors n’importe quel orphelin peut en faire autant : si le roman inachevé de Camus s’appelle Le premier homme, c’est qu’en y contant sa vie, il montre qu’orphelin de père, il doit choisir sans modèle et sans support la vie qu’il espère être la sienne.
Quand on n’a pas eu de père, il ne reste qu’à s’en choisir un en fonction de ce qu’on est – ou croit être. Dis-moi quel père tu t’es choisi, je te dirai qui tu es.
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(1) Mot du jour : Magnifique – Qui est riche, qui a un train de vie fastueux, qui est généreux avec éclat, qui dépense sans compter pour lui ou pour les autres (TLF)
--> A noter qu’à ce compte, le titre français en dit un peu plus que le titre anglais : The great Gatsby.
(2) Tiens ? Voilà donc le père lacanien qui fait retour… Comme quoi on ne peut  le refouler durablement…

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