Saturday, May 18, 2013

Citation du 19 mai 2013


Nous vivons dans un monde qui a complètement perdu l'usage du point-virgule, nous parlons tous par phrases inachevées, avec trois petits points sous-entendus, parce que nous ne trouvons jamais le mot juste.
Jean Anouilh –  La répétition
Faut-il donc créer un comité pour la réintroduction du point-virgule dans nos écrits, un peu comme on milite pour la réintroduction de l’ours brun dans les Pyrénées ?
Sans doute, pour autant que nous soyons encore capables d’écrire des phrases assez longues pour y loger ce signe de ponctuation. Mais on peut s’étonner malgré tout qu’on ait pu s’émouvoir de l’oubli du point-virgule, au point qu’un chapitre entier lui ait été consacré dans le Traité de Drillon (1).
C’est pourquoi Anouilh nous explique très justement que le point-virgule disparait non pas au profit d’une autre ponctuation, mais en raison de notre incapacité à terminer nos phrases, ce qui, avouons-le, est un peu plus ennuyeux.
Le point-virgule dont nous parlons ici n’est pas une simple pose dans la lecture, ni un intermédiaire qu’on pourrait juger facultatif entre la virgule et le point. Il ne sépare pas, il relie ; il n’indique pas une simple pose dans la lecture, il rythme la phrase ; il ne se contente pas de juxtaposer des membres de phrases dans une énumération, il relie aussi des propositions incomplètes. Telle est la raison pour laquelle en son absence surgissent les points de suspensions qui dépècent la phrase et qui l’empêchent de se constituer comme un tout.
Les points de suspension sont dans ce cas l’aveu de notre incapacité à construire notre pensée (2).
Venons-en à l’essentiel : oui, le point-virgule doit être réintroduit dans l’écrit parce qu’il nous oblige à terminer notre phrase au lieu de l’abandonner à moitié énoncée – à charge pour l’auditeur de la compléter par lui-même. Oui, il devrait être interdit d’employer des points de suspension, et peut-être même aussi la préposition « voilà… », surtout quand elle est suivie de points de suspension – et qui ponctue une explication de silences pas forcément éloquents.
Une idée : plutôt que d’interdire les points de suspension et les « voilà », je propose qu’on fasse comme pour les émissions de CO2 : taxons-les !...
Voilà.
-----------------------------------------------
(1) Jacques Drillon – Traité de la ponctuation française, chapitre 9 (Précisons tout de même qu’il s’agit d’une édition de poche (collection Tel), ce qui permet de supposer un intérêt réel du public)
(2) Précisons que ces points de suspension-là ne sont pas ceux qu’emploie Céline et qui sont des indicateurs de lecture qui visent à restituer le rythme de l’énoncé oral.
- Sur les points de suspension, voir aussi mon Post du 3 décembre 2006

No comments: