Tuesday, January 07, 2014

Citation du 8 janvier 2014



La revendication de justice aboutit à l'injustice si elle n'est pas fondée d'abord sur une justification éthique de la justice.
Albert Camus – L'Homme révolté (1951)
Quand on présente ses vœux de bonne année, il arrive que – comme moi – on glisse le mot justice dans la liste. Et qu’est-ce qui nous prouve que la justice soit toujours souhaitable ? Que son existence, jugée inconditionnellement nécessaire, ne soit pas une injustice de plus ? On peut le redouter de nos jours avec les intégrismes religieux qui, après avoir fixé des règles strictes, par exemple en matière de virginité, en viennent à infliger mécaniquement à  de pauvres victimes des souffrances et la mort : Summum jus, summa injuria.
On nous fera remarquer que dans cet exemple, la justice n’est que le bras armé de la religion. Peut-être faudrait-il dire, comme Camus : au-dessus de la justice, il y a l’éthique. La justice ne porte pas en elle-même sa propre justification ; elle a besoin d’abord d’être justifiée par une valeur morale.
Mais que gagne-t-on à opérer cette conversion ? Toute valeur suprême – tout Souverain Bien – n’entre-t-il pas en contradiction avec d’autres valeurs ?
Estimer qu’une valeur domine les autres c’est juger que celles-ci sont subalternes : et qu’est-ce qui nous prouve qu’il existe des valeurs subalternes ? Toute valeur morale n’implique-t-elle pas nécessairement un impératif catégorique ? (1)
Toutefois : une action réalisée au nom de la justice et qui aboutit à une injustice se condamne d’elle-même : la justice ne tolère pas cette contradiction.
Or, qu’une action faite au nom de la morale, entraine une conséquence immorale, voilà qui n’est pas absolument impensable : on aura simplement jugé dominante une valeur incompatible avec une autre – qu’on préfère sa mère à la Patrie (comme Camus à propos de l’Algérie), voilà qui relève d’un choix qui reste tout de même dans le domaine de la morale. Alors, c’est vrai que ce choix peut se discuter : mais c’est normal, dans la mesure où  la morale débouche (peut-être nécessairement) sur le dilemme (2) : je dirai qu’un acte se signale comme moral dans la mesure justement où il soulève un dilemme.
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(1) « L'impératif qui répond à la question « Que dois-je faire afin d'être heureux? » est un impératif de la prudence. À la question « Que dois-je faire? », sans plus, inconditionnellement, la réponse ne peut-être qu'un impératif catégorique. L'ordre formulé ne sera assorti d'aucune restriction ou hypothèse. Il faut donc qu'un tel impératif trouve son fondement tout à fait a priori (c’est-à-dire indépendamment de toute application concrète) » (Lire ici)
(2) Dilemme - Nécessité dans laquelle se trouve une personne de devoir choisir entre les deux termes contradictoires et également insatisfaisants d'une alternative.

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

es meilleurs voeux jean pierre 2014 et je ne mettrai pas dans la liste le mot justice aprés aoir lu vortre billet de la douceur de la subtilité et cornes d'abondance dans vos essentielles valeurs
je vous embrasse