Thursday, May 14, 2015

Citation du 15 mai 2015

Ainsi va la vie, les faibles cherchent toujours à se faire aimer des dominants. Jamais on ne verra un rottweiler sauter dans les bras de son maître pour se faire cajoler. Les molosses n'ont pas besoin de flatteries pour se sentir exister.
Ingrid Desjours – Tout pour plaire (2014)


Rottweiler sautant au cou d’un passant

Si vous voulez comprendre le comportement de vos semblables, regardez comment vit votre chien. Tel il est, tel  nous sommes.
Mais non, bien sûr vous n’allez pas flairer l’arrière-train de vos amis pour savoir quelles sont leurs pensées du jour. Vous n’allez pas non plus pisser devant votre porte pour faire savoir qu’elle est bien à vous.
Ridicule. Mais ce serait pourtant moins angoissant que de faire ce que suggère Ingrid Desjours : conformer vos sentiments à votre force ou à votre faiblesse (1). Bien entendu, puisque ce sont des qualités relatives à ceux que vous côtoyez, votre attitude sera fonction de ces rencontres. Vous serez bien aimable et bien flatteur avec votre supérieur, et bien tyrannique avec vos subordonnés.
Classique. Sauf que si on a le malheur de généraliser ce propos, alors c’est notre univers affectif qui s’effondre : tous ceux que nous aimons sont aimés parce qu’ils nous dominent d’une façon ou d’une autre. Réciproquement, tous ceux qui nous aiment, le font en raison d’une quelconque supériorité qu’ils remarquent chez nous. Que celui qu’on aime cesse d’être dominant, et voilà l’amour qui s’effiloche… Horrible pensée.
Quoique : Aristote nous dit bien qu’entre l’amant et l’aimé il y a une relation d’inférieur à supérieur. Ce que l’amant aime, ce sont bien les qualités de l’aimé et on peut donc admettre que l’aimé n’a pas forcément un tel amour pour celui qui l’aime. Tout juste s’offre-t-il par générosité à l’amour qu’on lui porte. Il est naturel dit Aristote que l’enfant aime son père beaucoup  plus que celui-ci ne l’aime.
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(1) « Conformez vos sentiments à votre force ou à votre faiblesse » : remplacez « sentiments » par « morale » et vous aurez un principe que Nietzsche n’aurait pas désavoué. Reste qu’il n’aurait pas utilisé l’impératif : cette conformité s’établit tout seule.

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