Monday, February 01, 2016

Citation du 2 février 2016

Malheur aux naïfs qui croient que zapper c'est vivre et qu'en conséquence vivre c'est zapper. ..
Bernard Pivot – Le métier de lire
Proust est présenté́ /par Roland Barthes/ comme l’œuvre même de plaisir, celle qu’on relit sans jamais y sauter les mêmes passages.
Antoine Compagnon – Proust et moi
Suite du Post d’hier.
Alors qu’hier nous faisions l’éloge de la discontinuité dans la lecture, voici qu’avec Bernard Pivot vient une autre perspective : celle du zappeur, dont je supposerai ici qu’il zappe non seulement en vivant, mais aussi en lisant. « Zapper », est-ce la même chose que sauter avec une bouillonnante impatience les pages d’un livre qui nous passionne ?
- Qu’est-ce donc que « zapper » ?
Devant sa télé, armé de sa « zapette » le téléspectateur prétend regarder plusieurs programmes en même temps. Faute d’avoir plusieurs écrans devant lui, il fait succéder les images de chaines différentes avec assez d’agilité pour avoir le sentiment de tout voir en même temps. 
- Et le lecteur que ferait-il pour zapper, si ce n’est comme le disait Barthes sauter les pages pour suivre le fil rouge de son plaisir ? Serait-il aussi capable, à l’égal du téléspectateur de pratiquer une « plurilecture simultanée » ?
Dans ma jeunesse on lisait beaucoup un magasine mensuel, Sélection du Reader’s digest, qui présentait des extraits de livres récemment parus, de sorte qu’en lisant 100 pages on avait l’impression d’en avoir lu 1000 ! Mais attention ! Il ne s’agissait pas comme aujourd’hui des « bonnes feuilles » livrées en avant premières d’un ouvrage à paraître. Il s’agissait d’un résumé, et je suppose que certains passages étaient carrément réécrits pour laisser à l’histoire son intelligibilité : l’histoire y trouvait peut-être son compte, mais la littérature, sûrement pas…

Je ne reviens pas sur le parcours de Bernard Pivot qui, en 15 années de télévision a plus fait pour la lecture que n’importe qui. Toutefois, et avec tout le respect que j’ai pour lui, je me demande s’il ne pêche pas par excès d’optimisme. Je veux dire qu’un magasine comme le Rider’s digest n’a plus à présent grand intérêt pour le public : de nos jours il est si peu important de lire qu'on n'éprouve plus le besoin croire qu’on a lu quelques livres le mois dernier. A part les lecteurs qui vont suivre les publications littéraires (avec la Grande Librairie par exemple) et les clients de Guillaume Musso ou de Marc Levy, il n’y a que des piocheurs d’écrans iPhone, et je doute fort qu’ils les aient transformés en liseuses.

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