Sunday, March 13, 2016

Citation du 14 mars 2016

« Tu me tues. / Tu me fais du bien. / J'ai le temps. / Je t'en prie. / Dévore-moi. »
Marguerite Duras – Hiroshima mon amour

Amour : « Tu me tues / Tu me fais du bien » : pourquoi pas ? Mais aussi qu’est-ce qu’on justifie en disant cela ?
Un sondage d’opinion a fait la une il y a quelques jours : à la question de savoir si les femmes aiment à être forcées dans l’acte sexuel, une forte minorité répond « oui » (voir ici). Et on comprend ainsi qu’une femme ne refuse l’accouplement que parce qu’elle a été éduquée come cela – mais qu’on lui impose le rapport sexuel, et là elle se déchaine (1)
L’idée est que la jouissance physique est précisément au-delà des limites, là où le plaisir et la douleur fusionnent ; que le paroxysme de l’orgasme n’a d’autres limites que celles des forces des corps, et nullement celles d’un contrôle de la volonté, au point que l’une des plus anciennes drogues connues de l’humanité est sans doute une drogue aphrodisiaque.
Alors, faut-il vanter l’audace du violeur qui sans se préoccuper de sa victime, cherche seulement à dépasser ses propres limites ? Faut-il, plus exactement, dire que les limites imposées par la partenaire sont faites pour être outrepassées, parce que de toute façon, c’est la violence qui est le seul moyen de lui donner de la jouissance ?
Mais quel cynisme ! Comment peut-on ainsi se substituer à la victime pour juger de son état, comme celui qui dirait non pas « Je suis violent en amour parce que je suis un homme – un vrai » ; mais « Je force les femmes, parce qu’elles aiment ça ». Autrement dit, au-delà des excuses du viol par provocation féminine, il y a sa bénédiction  par renversement des valeurs : le mal devient le bien, la souffrance devient jouissance.
Le problème, c’est qu’au delà du viol du corps, ce genre de jugement apporte l’idée que le violeur sait mieux que la victime elle-même ce qu’elle ressent, ce qu’elle doit penser du sort qui lui est fait : « Ce que je te fais subir, c’est pour ton bien ! – Tu me remercieras plus tard ! »
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(1) « Quand tu ne te sens plus chatte / Et que tu deviens chienne / Et qu'à l'appel du loup / Tu brises enfin tes chaînes » chante Johnny Halliday.

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