Monday, March 20, 2017

Citation du 21 mars 2017

La liberté d'opinion est une farce si l'information sur les faits n'est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l'objet du débat.
Hannah Arendt - 1906-1975 - La Crise de la culture - 1961
Hannah Arendt – Une philosophe se penche sur l’avenir 3
(En cette période où l’incrédulité le dispute au dégoût devant les puanteurs dégagées par la campagne électorale française, voici un peu de lucidité, venue d’ouvrages écrits il y a plus de 50 ans par la philosophe Hannah Arendt. Ce qui était vrai en 1958 l’est resté aujourd’hui et c’est d’autant plus signifiant que nous étions prévenus)
La quantité d’absurdités, de contre-vérités, de faux raisonnements que déversent les politiques dans leurs déclaration publique est ahurissante (1) : voilà que la démocratie sert à présent de refuge à la bêtise. Toutefois, en critiquant la démocratie, je ne veux surtout pas critiquer le droit donné au peuple de faire valoir ses droits (2) ; mais je pense plutôt à la liberté d’opinion qui apparaît comme un droit à affirmer n’importe quoi, dès lors qu’on présente ça comme une « opinion » ; mais contre les faits, rien ne sert de réclamer la liberté d’opiner autrement qu’ils ne sont : ils ne s’y plieront pas. Et pourtant elle tourne ! disait Galilée obligé d’accepter la doctrine ecclésiastique du géocentrisme.

On voudrait croire que seuls certains sectaires croient encore que les hommes sont sortis des mains de Dieu tels que nous les voyons aujourd’hui, et que Darwin a égaré les hommes sur le chemin de l’erreur satanique ; soit. Reste que beaucoup d’autres faits sont niés parce qu’incompatibles avec l’idéologie : ainsi du chiffre et des effets de l’immigration en France. En fait, les débats sont inutiles car les choses sont beaucoup plus simples que cela : seuls les faits sont irréfutables et en dehors de l’appel aux faits, tout ce qu’on peut prouver relève de la logique ou des mathématiques et se démontre dans le cadre d’une axiomatique bien précise.

Qu’est-ce donc que la liberté d’opinion ? Au sens positif, cette liberté renvoie à des convictions dont l’affirmation est une liberté garantie par les droits de l’homme. Il s’agit de ce qui relève du domaine des convictions religieuses, philosophiques ou politiques – bref on est dans le domaine du sens et non dans celui de la vérité.
Or, dès lors qu’on met en jeu des connaissances, autrement dit ce qui peut être vrai ou faux, cette liberté n’est qu’une farce comme le dit Hannah Arendt, parce qu’elle est l’expression du néant. Je peux bien réclamer le droit de professer que les hommes sont tels que Dieu les a créés, ainsi d’ailleurs que toutes les espèces animales ; et c’est possible si je vois là une métaphore qui fait comprendre comment se pense le rapport de l’homme à Dieu. Mais si je veux dire que l’espèce humaine échappe à l’évolution du vivant – mieux même : si j’affirme que cette évolution n’est qu’une opinion parmi d’autres ; et pire encore : si je crois que cette opinion ne vaut rien car elle n’est pas cautionnée par l’autorité divine : alors ce droit à l’erreur et à l’illusion est un pseudo droit car il ne débouche sur aucune réalité : il ne peut que disqualifier celui qui en fait usage
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(1) Exemple : la quantité d’américains venus applaudir le nouveau Président américain lors de sa prestation de serment, jugée plus importante que montrée par les caméras ; le candidat poursuivi pour abus de bien public et qui s’en remet au verdict des urnes pour trancher  de sa culpabilité ; et cet autre qui a affirmé aux Britanniques que la sortie de l’Europe permettrait de déverser des centaines de milliards de livres sur la tête des citoyens.

(2) Rousseau a depuis longtemps posé le principe que le peuple ne se trompe jamais dès lors qu’il dit quels sont ses besoins : quand quelqu’un interpelle un politique en lui demandant comment il pourrait vivre avec 800 euros par mois, on peut admettre qu’il connaît mieux le sujet que l’homme à qui il s’adresse.

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