Sunday, March 26, 2017

Citation du 27mars 2017

Protagoras affirme que l’homme est la mesure de toutes choses : « Telles les choses me paraissent, telles elles sont pour moi ; telles elles te paraissent, telles elles sont pour toi. »
Platon – Cratyle, 385c
On parle de « post-vérité » quand « les faits objectifs » ont moins d'influence que les appels à l'émotion et aux opinions personnelles pour modeler l'opinion publique
Dictionnaire de l’Université d’Oxford (1)
Retour sur la post-vérité dont nous avons déjà parlé, mais qui excite la philosophie de façon un peu forte.
Qu’est-ce que la vérité ? Cette question est revenue sur le devant de la scène récemment, lorsque l’entourage du Président Trump a dénoncé les critiques dont le nouveau président faisait l’objet pour avoir, selon les commentateurs, trahi la vérité et menti sciemment.

La vérité est-elle simplement l’adéquation entre un objet et le jugement que l’on porte sur lui ? Soit. Mais ne faut-il pas intégrer le facteur émotionnel dans sa réalité ? Un revolver n’a pas le même sens selon qu’on le voit dans la vitrine ou qu’il soit pointé sur moi. Si je le définis différemment selon ces deux circonstances, s’agit-il comme le suggère Protagoras de deux vérités différentes mais également recevables ?
Du coup, la vérité ne serait pas indépendante des émotions qui ont entouré son apparition et elle serait donc solidaire non de son contenu mais de son environnement. Telle les choses m’apparaissent, telles elles sont. Et comme on vient de le dire, les références ne manquent pas, et en premier lieu celle de Protagoras dont Platon nous a conservé l’aphorisme (citation ci-dessus). Au fond la vérité doit toujours être en adéquation avec un objet même si ce n’est pas forcément celui dont elle parle. Si Protagoras ressent le vent comme étant froid, alors que Socrate qui est à coté de lui le ressent comme étant chaud, on devra dire que cela nous informe sur le rapport de l’air au sujet qui le ressent. Et donc que la température de l’« air en-soi » n’existe pas, seule existe celle de l’« air-pour »
Dès lors, si le Président Trump estime que le public amassé pour son investiture fait 5 millions (?) ça veut dire que son désir est qu’il y en ait 5 millions.
Hum… C’est un peu facile quand même : les faits sont têtus comme on le dit souvent et ils ne se laissent pas distordre comme ça. Que faudrait-il pour faire que ces vérités si dociles au désir des gouvernants soient pensables ? Demandons aux grecs, eux ils ont exploré ces domaines bien avant nous.
Il y a dans la Grèce archaïque des fonctions privilégiées qui ont la « Vérité » pour attribut comme certaines espèces naturelles ont pour elles la nageoire ou l’aile. Poètes inspirés, devins, rois de justice sont d’emblée « maîtres de vérité ». Marcel Détienne – Les maîtres de vérité dans la Grèce archaïque
Autrement dit, la vérité, c’est ce que prononce le maitre de vérité, qui était comme on le voit poète, devin, roi qui prononce les jugements. A supposer que cela soit encore acceptable de nos jours, il faut que le chef politique soit en même temps un gourou qui a hypnotisé son peuple.
Quelqu’un comme Kim Jong-Un.
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(1) Cette notion de « post-vérité » élus mot international de l’année par le Dictionnaire de l’Université d’Oxford a été mis en vedette par l’élection de Donald Trump : « Cette notion est généralement associée aux affirmations fantaisistes et mensongères de Donald Trump et à ceux qui ont voté pour lui, issus des classes populaires de la société américaine. » (Lire ici)

(2) Sur la vérité judiciaire on pourra lire ici l’article de Jean-Cassien Billier

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