Tuesday, May 09, 2017

Citation du 10 mai 2017

Le puzzle de l'amour avec tous ses morceaux / Tous ses morceaux choisis choisis par Picasso
Un amant sa maîtresse et ses jambes à son cou / Et les yeux sur les fesses les mains un peu partout / Les pieds levés au ciel et les seins sens dessus dessous / Les deux corps enlacés échangés caressés
Prévert, Paroles, 1946

Picasso – Figures au bord de la mer (1931)
Oui, je sais : ces Figures au bord de la mer ne répondent pas tout à fait à la description faite par Prévert. Mais je n’ai pas trouvé mieux, et puisque Prévert est un poète, on admettra facilement qu’il ait pu user d’une licence poétique dans sa description.

- D’abord, relevons que le poème de Prévert met l’accent sur un fait que l’on passe souvent au second plan : Picasso est avant tout un peintre figuratif. Il est même comme le suggère Prévert « sur-figuratif », si l’on entend par là qu’il superpose plusieurs aspects différents quoique simultanés d’une scène. L’amante dont nous parle Prévert a ainsi son amant entre les jambes, elle lève les pieds au ciel tandis que ses seins sont un peu partout. Quant l’amant, les yeux sur les fesses et les mains un peu partout, on devine qu’il est très affairé. Et en fait les voilà enlacés échangés caressés.
Si donc la réalité montrée dans le tableau est difficilement lisible, ce n’est pas par déni de réalité, mais bien parce que Picasso donne à voir en un seul tableau ce que d’autres ne pourraient montrer qu’en 4 ou 5.
- Mais Picasso ne serait pas lui-même si, en plus d’exhiber une réalité totale, il ne se livrait pas à une recherche esthétique. Le tableau reproduit ci-dessus le montre : il s’agit d’une œuvre dont l’aspect purement formel porte la marque d’un style tout à fait reconnaissable, d’une esthétique qu’on peut décrire et déduire d’autres œuvres de la même époque.

- C’est d’ailleurs cela qui désoriente le spectateur naïf qui recherche dans un tableau une image représentant la réalité des choses, un peu comme une photographie prise sans recherche particulière. Lorsque dans une exposition Picasso on montre les esquisses successives d’un même tableau, le public est décontenancé : les premières esquisses nous donnent une image lisible de la réalité. Bon nombre de gens diraient volontiers : « Ça, c’est beau – Restons-en là ! ». Mais non ! Picasso fait ensuite 5 ou 6 esquisses différentes qui toutes concassent et déconstruisent l’image pour en faire ressortir des lignes de force nouvelles, des volumes nouveaux, des agencements inédits. Et Des yeux sur les fesses et des mains un peu partout.

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