Sunday, May 07, 2017

Citation du 8 mai 2017

Apollon – Ce n’est pas la mère qui engendre celui qu’on nomme son fils ; elle n’est que la nourrice du germe récent. C’est celui qui agit qui engendre. La mère reçoit ce germe, et elle le conserve, s’il plaît aux dieux. Voici la preuve de mes paroles : on peut être père sans qu’il y ait de mère. La fille de Zeus Olympien (= Athéna) m’en est ici témoin. Elle n’a point été nourrie dans les ténèbres de la matrice,
Eschyle, Euménides, vv. 657-660


La naissance d’Athéna
La déesse s’élance, portant son armure, de la tête de son père, Zeus

Nous revoici au procès d’Oreste. On se rappelle (1) qu’il est jugé pour le meurtre de sa mère et Apollon qui porte sa défense explique aux jurés que, tuer sa mère n’est pas si grave que cela – en tout cas moins grave que de tuer son père.
Ce qui s’explique à la lecture de la plaidoirie : le père a apporté la semence (= la forme) qui suffit à la création de l’enfant, la mère se contentant d’apporter la nourriture (= la matière) qui va permettre au fœtus de se développer. Elle n’est qu’une nourrice et encore, comme le rappelle Apollon, sa mission nécessite-t-elle le concours des Dieux.

La thèse prêtée à Apollon n’est pas une fantaisie de poète, mais une théorie « scientifique » soutenue par Aristote et généralement admise chez nous (avec quelques variantes il est vrai) jusqu’au 18ème siècle. Elle consiste à affirmer que le spermatozoïde est un « petit homme » (homonculus) qui, introduit dans la matrice féminine va se développer et venir au monde avec les caractéristiques qu’il portait déjà lors de la « fécondation ». D’ailleurs quand on explique aux petits enfants que le papa sème la graine et donc que la maman fait le pot de fleur, on ne dit rien d’autre.
A partir de là, on aura sans doute quelques réflexions à faire. Voici les miennes :
- Déjà que dire de la ressemblance, parfois exclusive, entre l’enfant et la mère ? Certains y voyaient une erreur d’appréciation ; d’autres l’influence de la matrice ; d’autres encore de quelque accident survenu durant la gestation. Mais en aucun cas la réalité ne peut l’emporter sur la force de l’imagination, surtout quand elle est soutenue par l’autorité d’une source religieuse (2).
- Ensuite on trouve, dans la nature même, la justification de la pleine et entière autorité du père sur l’enfant. Les romains avaient coutume de déposer le nourrisson qui venait de naitre au pied du père qui choisissait ou non de le prendre dans ses mains et de l’« élever » au dessus de sa tête ; bien sûr celui qu’il ne relevait pas était condamné à disparaître. Le père est tout puissant parce qu’il a tout fait (ou presque : on ne va plus aujourd’hui jusqu’à  terminer la gestation dans notre tête – ou dans notre cuisse, comme ce fut le cas de Dionysos).
On haussera les épaules : faut-il donc une base physiologique à l’autorité parentale ?
C’est toutefois une question très sérieuse, qui mobilise les ressources du droit autant que celle de la science.
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(1) Cf. Post d’hier.

(2) C’est au fond la même chose quand, devant le cadavre d’un être cher, on refuse d’admettre qu’il soit, comme il paraît bien l’être, « entièrement » mort.

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