Monday, June 26, 2017

Citation du 27 juin 2017

A la langue d'ambre et de verre frottés / Ma femme à la langue d'hostie poignardée / A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux / A la langue de pierre incroyable
André Breton - L'Union Libre

On se rappelle peut-être ce recueil de poèmes du 16ème intitulé « Blasons anatomiques du corps féminin » (en ligne ici) : voici qu’André Breton, à son tour, détaille le corps de sa femme toujours en recherchant son essence poétique. On en donne ici un exemple, mais c’est l’ensemble qu’il faut saisir d’un seul élan.
… Ça ne vous fait pas sursauter ? Peut-être que quelques autres blasons de la même encre vous conviendraient mieux ? Voyez par exemple :
Ma femme aux fesses de grès et d'amiante / Ma femme aux fesses de dos de cygne / Ma femme aux fesses de printemps / Au sexe de glaïeul / Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque / Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens / Ma femme au sexe de miroir
Là : je vous sens un peu plus motivé. Je vous devine, messieurs, faisant la cour à votre nouvelle conquête et découvrant le premier soir avec des exclamations ingénues ses « fesses de printemps » et son « sexe de miroir » : la dame va être transportée par la grâce de votre propos.
o-o-o
Comme d’habitude, ne comptez pas sur moi pour vous fournir une quelconque « clé » pour déchiffrer ces images. Je sais que vous y parvenez très bien tout seul, et je n’ai pas l’intention de faire avec vous une compétition de serrurier. En revanche, je peux quand même dire ce qui me surprend dans cette lecture.
Et d’abord ceci : Breton qui affectionne si souvent un langage châtié, recherché, en vrai dandy de la rhétorique qu’il fut, ose ici de formules très prosaïques (« de poupée-qui-ouvre-et-qui-ferme-les-yeux » : n’est-ce pas très lourd ?), voire même carrément gauches (« aux-fesses-de-dos-de-cygne »). Comme si la précision de l’expression, modelée sur une pensée qui surgit comme ça, sans être passée par le moule du langage, l’emportait sur l’élégance.
Oui, n’est-ce pas : ce surgissement de l’émotion qui emporte avec elle des bouts de phrases ou de simples mots, sans même qu’une élaboration ne soit venue prendre en charge la mise en forme de l’idée, c’est cela même l’émotion poétique.

Alors, parfois cette émotion devant la beauté de la femme prend un chemin déjà balisé, un chemin devenu une autoroute pour les pauvres-en-imagination, qui vont dire : « Chérie, t’es belle comme un camion ! »  Pour eux aucun espoir, sauf à consommer quelque substance hallucinogène et à se laisser aller.

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

je ne connaissais pas le blason . merci pour ma gouverne