Wednesday, December 13, 2017

Citation du 14 décembre 2017

L’avenir est ce qu’il y a de pire dans le présent.
Flaubert – Pensées (Compilées par sa nièce Caroline Franklin Grout en 1914)

Le présent à la différence du passé n’est pas simple. Pas du tout. D’abord, on ne sait jamais combien de temps il va durer. Sauf quand vous allez écouter une conférence ou regarder un film, il vous est le plus souvent impossible de savoir dans combien de temps ce présent-là va s’arrêter. Dans combien de temps le futur (« Quand j’aurais fini mon travail, j’irai me reposer ») va advenir.
Mais il n’y a pas que ça : il y a aussi que ce présent est pétri de passé et de futur. Aucune action – sauf à être machinale – ne serait possible sans un certain projet qui s’enracine dans une représentation de l’avenir. Et le souvenir, daté ou non, est là aussi, à chaque instant, soit pour soutenir l’action (se rappeler des lettres de l’alphabet quand on lit), ou pour occuper la conscience de réminiscences ou de ruminations. Les ruminations, voilà notre malheur : non seulement parce qu’elles sont désagréables et obsédantes, mais aussi parce qu’elle remplissent le présent, proliférant comme un cancer pour le dévorer au lieu de le soutenir. La punition de la faute est là, dans le remord qui envahit chaque instant vécu sans aucune espérance de le voir disparaître.

Maintenant, Flaubert ne dit pas tout à fait cela : il parle non du passé mais de l’avenir. Il ne se comporte pas ne moraliste mais en métaphysicien : la destinée humaine est liée à son être. Et son être est de finir comme il a commencé : en poussière (« Car tu es que poussière et tu retourneras à la poussière ! » Gn – 3;19). Flaubert est un pessimiste radical. Non pas parce qu’il est obsédé par notre destinée future, après tout ce n’est pas bien compliqué de savoir que tout cela finira mal. Mais parce qu’au lieu d’en faire un accélérateur de jouissance (Rêvons aux fêtes qui nous attendent – quand on poura dire : Nunc est bibendum)



il en fait une cause de désolation. Flaubert à ce qu’il semble, c’est le monsieur qui, quand il picole pense à la gueule de bois du lendemain plutôt qu’à l’ivresse charmante du présent.

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