Monday, April 02, 2007

Citation du 3 avril 2007

Celui qui sans autorité tue un criminel se rend criminel lui-même.

Blaise Pascal - Les Provinciales

D’où vient le droit de tuer l’assassin ? Avons-nous le droit de tuer même celui qui mérite la mort ?

La réponse de Pascal (consulter le texte) : Dieu seul possède ce pouvoir. Les juges le possèdent aussi, mais par délégation. Tous les autres cas sont criminels.

Dans une république laïque, la justice pénale ne pourrait donc pas faire de différence entre le crime et le châtiment, lorsqu’il s’agit de la peine de mort ?

Voici une anecdote : à l’époque de la troisième république, les députés débattent d’un projet de loi visant à supprimer la peine de mort. Un député monte à la Tribune et s’écrie : « Messieurs les députés c’est l’honneur de la France que de renoncer à la peine capitale ! » Une voix dans l’hémicycle se fait entendre : « Que messieurs les assassins commencent. »

Si tuer l’assassin est un « homicide judiciaire » (l’expression désigne la cause de la mort en cas d’exécution capitale aux États-Unis), quelles sont les raisons qui justifient un tel acte ?

Je voudrais éviter les sempiternelles justifications par la "hiérarchie des peines" : laissant le pénal de côté, je me tourne vers le civil.

Au civil, la peine de mort se justifierait-elle par la réparation du préjudice causé aux parents de la victime ? Le Talion, constatant qu'on ne pouvait réparer ce préjudice avec la mort de l'assassin, l'obligeait à verser une somme d’argent (ce qui soit dit en passant rectifie l’idée que le Talion voudrait strictement «l’œil pour l’œil ») . Nous ne voulons pas d’un tel arrangement, parce que nous sommes plus moraux ; le défunt n’avait pas seulement un rôle économique par rapport à ses proches. Alors, lorsqu'on tue l’assassin, à qui - ou à quoi - cela sert-il ?

Là encore, voyez ce qui se passe aux États-Unis : on dit là-bas, que la peine de mort a pour fonction de permettre aux victimes (= aux parents de la victimes) de faire leur travail de deuil. Le deuil, par quoi les vivants se détachent des morts est un processus qui ne fait que commencer avec la mort et qui se prolonge de longs mois, voire des années après (1). Lorsque le coupable est exécuté, la dernière page est tournée, le vie peut alors recommencer. Du moins, c’est ce que les psys nous racontent ; parce que ce sont eux qui ont suggéré que la mort du coupable pouvait servir à quelque chose.

Rousseau, qui ne connaissait pas Freud, prétendait qu’il valait mieux faire ramer les criminels sur les galères: au moins c’est leur survie qui servait à quelque chose.

(1) Voir Freud - Deuil et mélancolie, Appendice à la Métapsychologie

Sur le travail de deuil, voir ceci, ou éventuellement ceci

4 comments:

Anonymous said...

Qu'en pensent les parents du pauvre Sullivan sur ce sujet ? J'aimerais bien le savoir. (http://www.lavoixdunord.fr/journal/VDN/2007/04/03/REGION/ART516527.phtml)
Quand on pense à ce qu'il a subi avant de mourir...La mort du ou des coupables ne serait-elle pas une peine trop légère ? Je ne crois pas qu'elle "servirait" aux parents qui vont eux souffrir jusqu'à la fin de leurs jours (et une souffrance psychologique n'est-elle pas pire qu'une souffrance physique ?) et leur souffrance sera d'autant plus grande (je pense) que les coupables eux n'ont pas l'air d'être conscients de la gravité des faits.
Existe-t-il plus grande souffrance pour un père ou une mère que celle qu'il ou elle ressent quand il ou elle sait que son enfant souffre ou a souffert (ou même quand son enfant a disparu et que l'on ignore comment il va) ? C'est pire que de souffrir dans sa propre chair !
Existe-t-il une peine succeptible d'atténuer la souffrance des parents et de faire en sorte que les coupables se rendent compte de leur folie ? Oui, faisons au moins "ramer" ces coupables. (paroles d'une mère, vous l'aurez deviné)

Anonymous said...

Certains vont encore dire que je suis trop passionnée pour juger de façon juste...je ne sais pas...une vie sans passion, est-ce encore une vie ?

Jean-Pierre Hamel said...

1 - ...La mort du ou des coupables ne serait-elle pas une peine trop légère ?
Vous n’imaginez peut-être pas ce que mes élèves (18 ans tout de même) imaginaient pour faire « payer » un criminel : ils que considéraient la mort par guillotine était trop douce : avec eux, les bourreaux auraient un bel avenir.
2 - Pourquoi ne peut-on se faire justice soi-même ? Pour éviter le vengeance, il faut que les juges ne soient pas ceux qui ont souffert du crime : parce que la sentence pénale est nécessairement mesurée (elle l’était déjà à l’époque où la torture était judiciaire). Avez-vous remarqué que la vengeance n’est pas mesurée : quant est-on assez vengé ?
3 - « Oui, faisons au moins "ramer" ces coupables. » : pourquoi pas ?
4 - Question subsidiaire : Nicolas Sakozy affirme dans une interview récente qu’à son avis la pédophilie est génétique : que faut-il faire des pédophiles ?

Anonymous said...

Question délicate. Je ne suis sans doute pas assez "instruite*" pour y répondre. Si elle est effectivement génétique, je dirais qu'il faudrait tester tout le monde, informer tout le monde, empêcher les pédophiles de nuire et se hâter de trouver un remède, en supposant qu'il en existe, sinon...
(* j'ai vu la photo que vous avez mis en début d'année...mazette, que de livres derrière vous ! je suppose que vous les avez tous lus :))