Thursday, April 05, 2007

Citation du 6 avril 2007

Il y a en nous des semences de science comme en un silex des semences de feu; les philosophes les extraient par raison, les poètes les arrachent par imagination: elles brillent alors davantage.

Descartes - Olympica (cité dans Baillet - Vie de monsieur Descartes)

La philosophie n’existe-t-elle que dans les traités de philosophie ? Descartes répond : on en trouve aussi, et de plus profonde chez les poètes, quand bien même ils ne feraient que « niaiser ».

La vérité n’est pas notre invention : on ne fait que la dévoiler, non pas dans la réalité, mais dans notre esprit, car elle n’est pas dans les choses, elle n’existe que sous forme d’idées. Il faut dire aussi qu’est-elle une création de Dieu : Il l’a placée dans notre esprit, comme le paysan place la graine dans la terre fertile (des semences de science). Nous n’y sommes pour rien, notre mérite est seulement de savoir la retrouver en notre âme et la méthode exposée dans le Discours est consacrée à cela.

Seulement, si le chemin qui est emprunté par la méthode est rationnel, et il n’est pas le seul. L’imagination est la seconde voie d’accès à la vérité ; elle est empruntée par les poètes qui savent alors la rendre plus étonnante et séduisante.

Il peut être étonnant de voir Descartes mettre ainsi sur le même pied l’imagination et la raison (1). Mais retenons l’idée féconde : poètes et philosophes marchent vers le même but : la vérité. Ils diffèrent seulement par les moyens d’y parvenir. Alors que le philosophe éclaire notre esprit en lui montrant ce qu’on sait de toute éternité, le poète étonne en faisant jaillir la vérité de la conflagration des mots (comme en un silex des semences de feu).

Une preuve de cette explosion poétique ? Faites une expérience : mettez un cache sur le texte que vous lisez de telle sorte que les lignes n’en apparaissent que l’une après l’autre. Si vous vous demandez ce que contient la ligne suivante, vous arriverez à un résultat correct en lisant de la philosophie. Mais c’est rigoureusement impossible en lisant de la poésie. Ça ne vous suffit pas ? Pour une autre preuve, voyez Baudelaire, citation du 10 février 2006

Je finirai en risquant un avis personnel. Entre poète et philosophe, la communauté de terrain est réelle : mais il ne s’agit pas selon moi, de vérité ; il s’agit de sens. Nous cherchons le sens de la nature, le sens de la vie des hommes, et même si le « pourquoi ? » est sans réponse, nous sommes capables de faire de ce silence ce qui donne un sens à la révolte humaine (Cf. Camus). Et cela, avec ses propres ressources, le poète sait très bien le faire aussi.

(1) Il est vrai qu’il écrit cela en 1619, soit 22 ans avant de publier les Méditations.

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