Tuesday, June 02, 2009

Citation du 3 juin 2009

Un monarque a souvent des lois à s'imposer ; / Et qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser.

Corneille – Tite et Bérénice (Acte 4, scène 5)

Comme le notera Montesquieu, le différence entre le monarque et le despote est l’existence de lois fondamentales. Si le monarque s’engage au moment de son sacre à les respecter, le despote quant à lui n’en connaît pas d’autres que celle de son bon vouloir.

Mais c’est dans la seconde partie de la citation que l’essentiel nous est dit : qui veut pouvoir tout ne doit pas tout oser. Comment pouvoir tout si l’un n’ose pas franchir les limites ? Paradoxe qui comme souvent n’est qu’une invitation à la réflexion.

Car en fait, quand on dit : tout pouvoir, on présuppose les limites. On ne peut agir qu’en s’appuyant sur des données sur des lois, sur des êtres. Quiconque veut bondir doit prendre appui sur le sol, et c’est la bêtise de la colombe qui lui fait croire qu’elle volerait bien mieux dans le vide (selon l’image mille fois rabâchée de Kant).

On ne peut donc tout pouvoir sans exercer ce pouvoir dans un cadre bien précis, avec des moyens prédisposés. Vouloir outrepasser ces limites, c’est faire comme la colombe dont on parlait il y a un instant : on se casse la figure.

D’ailleurs, c’est un des ressorts du tragique : lorsque le héros doit affronter une limite, il la fait voler en éclat. Il ose outrepasser les lois de son pays (Antigone), ou celles de la morale et de l’humanité (le Caligula de Camus)

Il s’aventure donc dans une zone où la vie humaine ne peut se développer, là où aucune règle – du moins aucune règle admise dans le monde actuel et réel – n’existe plus. Mais en même temps, l’impuissance est la rançon de son audace.

Qui ose tout ne peut rien.


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