Im Anfang war die Tat! (Au commencement était l’action!)
Goethe – Faust I – Cabinet d’étude <1> (vers 1237) (1)
Faust est ici dans son cabinet de travail ; il traduit la Bible, et s’attache à l’Evangile de Jean.
Celui-ci a écrit : en archè ên o logos, qu’on traduit depuis Luther par « Au début était le Verbe » (o logos = das Wort).
En réalité, avant d’en venir à la formule citée, Faust a essayé d’autres adaptations.
Successivement :
- Au commencement était la pensée ;
- Au commencement était la force.
C’est qu’il ne s’agit pas simplement de définir la matière première du monde ; il faut aussi découvrir ce qui agit pour le créer. Ce principe créateur, en pénétrant la Création, imprime en elle sa marque, lui donne son sens.
Si le principe créateur était la Parole de Dieu c’est l’acte de la proférer qui est l’acte créateur.
Mais si c’est le sens des mots qui importe, c’est alors la pensée qui prime. Qu’importe que Dieux ait proféré les paroles qui ont accompagnées la Création ; ce qui compte c’est qu’il les ait pensées – même s’il les avait gardées in petto (2).
Pourtant, la Création est une œuvre qui a pour fonction de révéler la toute puissance du Seigneur, car si elle suppose une force qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer, nous pouvons néanmoins la deviner en contemplant ses effets.
Et donc, la force n’est rien sans son application. Pas de création sans un « fiat » : fiat lux, (très mal traduit pas « Que la lumière soit ! »). Autrement dit la force doit être action.
Ou si l’on préfère, et pour en revenir plus modestement à l’homme, rien ne préexiste à l’action. Le projet, l’intention, sont déjà des actions ou bien ne sont rien. Rien n’agit qui ne transforme ce qui existe déjà ou qui ajoute une existence de plus.
Oui, Au commencement était l’action ; mais sans oublier la force. Car, que voit-on dans le désir ? C’est que tout ce qu’il est capable de produire est le fantasme.
Et le fantasme c’est la pensée plus l’action sans la force.
(1) Lire le Faust de Goethe dans la traduction de Jean Lacoste et Jacques Le Rider, publié chez Bartillat. On y trouve pour la première fois réunies en Français, les trois versions de Faust (Urfaust, Faust I, Faust II)
(2) In petto : de l’italien in pectore, « dans la poitrine » Ce qu’on pense sans le dire.
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