Thursday, March 01, 2012

Citation du 2 mars 2012

Le temps fait oublier les douleurs, éteint les vengeances, apaise la colère et étouffe la haine ; alors le passé est comme s'il n'eût jamais existé.

Avicenne

Le passé est comme s'il n'eût jamais existé.

1 – Que faut-il donc pour que le passé existe? Pour qu’il soit un peu plus que du néant ?

Réponse : il faut qu’il soit présent, c’est-à-dire impressions actuelles, sentiments vécus, plaisir ou souffrance ressenties. Tout cela est si simple que chacun le sait (même inconsciemment) : le temps passé n’est fait de rien d’autre que de nos états affectifs. Des sentiments, des sensations, des plaisirs ou des douleurs.

Certes, pour être « du passé », tous ces états doivent être ressentis comme liés à des souvenirs ; mais ils doivent être quand même éprouvés au présent.

Alors, il y a bien sûr des souvenirs qui nous viennent du passé sans qu’un sentiment leur soit lié : il s’agit alors de ce que Bergson appelle la mémoire-habitude, qui nous vient du passé, mais sans qu’on l’éprouve comme telle. Par exemple, on ne se rappelle pas quand on a appris à écrire, à lacer ses souliers ou à résoudre une équation du second degré – sauf si une émotion particulière a accompagné cet apprentissage.

Le temps fait oublier … C’est une caractéristique du temps que de s’autodétruire : par son écoulement même il fait disparaitre ces états, et lorsqu’il en a fini, le passé n’existe plus, parce qu’il n’était rien d’autre que ça.

Les douleurs… les vengeances… la colère… la haine…

2 – Que contient le passé ? Des sentiments, ou si l’on préfère, des affects. Mais selon Avicenne, ils seraient systématiquement liés à des états négatifs, à des agressions, à des blessures, à des souffrances.

Comme le dira Nietzsche, la mémoire (qui est aussi la conscience chez Nietzsche), est du domaine du ressentiment. Le passé est mémoire, la mémoire est trace, la trace est sentiment – ou plutôt ressentiment.

Voilà : la sagesse populaire le savait bien, elle qui dit Les gens heureux n’ont pas d’histoire.

--------------------------------

N.B. On laisse de côté ici le passé historique et son mode d’existence si particulier. Si je l’évoque, c’est uniquement pour dire combien je suis étonné que les lois imposant un point de vue particulier sur un évènement historique soient appelées « lois mémorielles ».

4 comments:

Anonymous said...

Le temps est le médecin de tous les maux...

Mais, je ne suis pas aussi catégorique car la mémoire est sélective. On croit avoir oublié, mais c'est caché dans les portes de l'inconscient et ça resurgit comme ça, pas vraiment de la même manière, une odeur par exemple - vous en parliez l'autre jour.Mais ça peut-être tout autre chose.

Le temps fait son œuvre quand la peine ne fait plus mal.A cette condition, peut-être, on imaginera un pardon ou on s'imaginera pardonner.

Mon papa Freud vous en parlerait mieux que moi.

Les moments de tendresse ne s'oublient pas... .

Bonne soirée

F'( EEKAGUR)

FRANKIE PAIN said...

ce belillet me va comme, une gant
il est pile poils avec le spectacle que je viens d'écrire
sur enfances
ce n'est pas souvenirs commeProust mais surgissement de bloc perceptive qui peuvent émerveiller ou suspendre la route un instant
cela me fait très plaisir de lire ceci
j'y reviendrai
mais je n'ai plus de jus
bonne soirée jeanpierre

Jean-Pierre Hamel said...

« On croit avoir oublié, mais c'est caché dans les portes de l'inconscient et ça resurgit comme ça »
- Oui, tout à fait. C’est ce qu’on appelle couramment la réminiscence. Non pas celle de Platon, qui suppose une enfilade de vies successives, mais celle de la psychologie des profondeurs.
Ce qui n’invalide pas mon idée, mais qui mène à dire qu’on ne sait pas quand le passé est _vraiment_ passé.

« Quand la peine ne fait plus mal… on s'imaginera pardonner ».
- Ici le mot important c’est « imaginer ». Car selon moi le pardon n’est pas l’oubli, pas du tout. On pardonne quand on dit : « Tu m’as fait du mal, mais ça ne fait rien, je t’aime quand même et je veux continuer à vivre avec toi comme avant ? »

Jean-Pierre Hamel said...

« le passé = surgissement de blocs perceptifs »
- Le terme de blocs perceptifs est de bonne facture, parce que justement, ces perceptions (présentes ou passées) vont ensemble.
Ce spectacle est-il destiné aux petits ? Peut-on travailler avec des petits sur le passé et la mémoire