Friday, November 09, 2012

Citation du 10 novembre 2012



Le droit ne se négocie pas.
Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, à propos de l’extraditiond’Aurore Martin en Espagne.
Le droit, c’est ce qui se négocie avant, pas après. Du coup il n’y a plus qu’à appliquer la loi, telle que formulée par le Code (civil, pénal, etc..).
Oui, mais :
- On peut se demander pourquoi dans ce cas il nous faut des juges. Pour qu’ils « disent la loi » ? Si nous savons lire, il n’y a besoin de personne pour lire les textes de lois. Chacun devrait y suffire, et si le langage juridique est abscons, il n’y a qu’à le traduire en langage vulgaire.
- Toutefois, la loi ne peut tout prévoir, et son application mécanique, au lieu de réparer une injustice, risque d’en constituer une de plus (1).
Dès lors, les juges ne sont-ils pas là pour prendre en compte cette indétermination de la réalité qui n’est pas faite exprès pour que la loi s’y applique exactement ? Ne seraient-ils pas comme ces cordonniers qui adaptent la chaussure à votre pied, parce que l’inverse n’irait pas ?
C’est en effet ce qui se passe, selon ce qu’on appelle « jurisprudence », et en fonction de la distinction qui existe entre « l’esprit et la lettre » de la loi.
Oui, mais voilà : cette adaptation ne saurait se confondre avec une négociation. Pas seulement parce que dans une négociation on a deux parties qui se concertent à égalité, alors que les juges tranchent dans le secret de leur conscience ou de leur bureau, mais aussi parce que, dans la négociation, la justice – ou la vérité – c’est ce que les deux parties vont décider de considérer comme juste et comme vrai. Nulle norme pour leur dicter leur décision : on est dans l’ordre du contrat.
Par contre, avec la loi – et donc avec le droit qui est chargé de l’appliquer – la norme existe, et les décisions du juges ne sont là que pour faire coïncider le réel avec elle. 
- Donc, revenons-en au cas évoqué : fallait-il extrader Aurore Martin ? Un Etat souverain peut-il renier ses engagements vis-à-vis des pays avec lesquels il a contracté un accord ?
Renier ses engagements, c’est possible pour un Etat souverain. Mais ça a un coût, et il n’est pas sûr qu’on ait considéré qu’Aurore Martin valait ça. (2)
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(1) Summum jus, summa injuria. (Justice extrême est extrême injustice) – Térence (voir ici)
(2) A contrario, on a bien vu comment le Brésil a tranché dans l’affaire Cesare Battisti.

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