Friday, November 23, 2012

Citation du 24 novembre 2012



Je ne suis ici qu'une ombre transparente, une sorte de copie fragile, un reflet provisoire de l'immensité de Dieu. Il est mon original.
André Frossard – Paris-Match - 29 Août 1991

André Frossard a rencontré Dieu. Du coup il prêche à longueur d’Edito : N’oublie pas que tu n’es qu’une créature qui a eu besoin d’un Créateur  pour arriver à l’existence ! Mais du coup, tâche d’être digne de Lui.
Laissons tomber. Je voudrais m’en tenir à cet usage de l’idée de copie, si platonicienne et si clairement exposée ici.
La copie suppose ordinairement une chute par rapport à l’original :
- chute ontologique : elle ne possède pas la perfection de l’être dont elle a reçu l’existence et qu’elle imite.
- chute existentielle : puisqu’elle ne s’est pas donné à elle-même l’existence alors elle peut la perdre à tout moment.
- chute dans l’apparence : elle n’est qu’un reflet, une apparence illusoire alors que son créateur est entièrement authentique.
Bref : il n’y a que la copie pour s’imaginer être identique au modèle ; en réalité, ce qu’elle atteint, c’est la ressemblance, pas l’identité. La preuve : la copie intègre des accidents, des imperfections, qui font que les copies de copies sont rapidement inutilisables.
C’est là que le numérique vient bouleverser notre conception de la copie : comment distinguer entre la photo qu’on vient de prendre – et qui est sur la carte mémoire de l’appareil – et la même photo, x fois partagée et re-partagée avec nos amis ?
Avec le numérique la copie est exactement semblable à l’original, et voici pourquoi : c’est qu’elle n’est pas simplement analogue à lui, parce qu’elle est faite de la même substance. Et ceci est possible parce que cette substance est strictement élémentaire, limitée à des chiffres que rien ne vient différencier : aucune différence de nature entre les 0 et les 1 qui constituent ma photo « originale » et ceux qu’on retrouve dans la photo copiée.
- Comment peut-on fabriquer une infinie diversité de formes avec deux éléments (0,1) indéfiniment répétés dans des lignes interminables de code ?
Observons que les technologies numériques ne sont pas les seules à réaliser cet exploit : il y a aussi la matière vivante, avec le génome fait d’une succession de molécules d’ADN composées de 4 éléments qu’on peut répéter à l’infini et qui sont pourtant susceptibles de créer d’innombrables individus tous différents. (1)
Notre étonnement vient sans doute d’une vieille croyance, que la philosophie scolastique a répétée sur tous les tons : il ne peut pas y avoir plus d’être ou de perfection dans l’effet que dans la cause.
On y croit encore, même aujourd’hui, même en ayant tout oublié de la  philosophie médiévale.
------------------------------------------
(1) Rappelons que  l’ADN est constitué de l’enchainement de 4 nucléotides (A, G, C et T) (voir ici).

No comments: