Wednesday, May 08, 2013

Citation du 9 mai 2013



Il disait que seul le sommeil était intime, qu’il signifiait bien plus que la jouissance. J’avais l’image d’une transmission des rêves comme si les cerveaux se reliaient en secret, échangeant leurs informations, déroutant le cours de leurs songes.
Nina Bouraoui – Appelez-moi par mon prénom
Les hommes éveillés n'ont qu'un monde, mais les hommes endormis ont chacun leur monde.
Héraclite Fragment 89 (Cité le 8-03-2003)

Voyez comme le commentaire de citation est une chose délicate : la citation de Nina Bouraoui semble prendre le même chemin que celui poursuivi par Héraclite : si le sommeil est chose particulièrement intime, c’est qu’en rêve nous peuplons le monde de représentations qui n’appartiennent qu’à nous seuls.
Et puis, voilà que ça bifurque : l’homme endormi, nous dit Nina Bouraoui, n’est certes pas dans le monde réel, mais il n’est pas non plus enfermé dans son monde, isolé de tous les autres : en réalité le sommeil est le moment d’une rencontre secrète avec les autres hommes, au point, justement, que les songes ne sont pas seulement nos songes.
Faut-il y croire ? Peut-être pas, mais qu’importe ? J’aime l’idée que mes songes soient influencés par les rêves de celle qui dort à mes côtés – car si Nina Bouraoui a raison, alors c’est sans doute dans la proximité immédiate que le dormeur rencontre l’autre dormeur (du moins, j'aime à le croire).
Du coup, si notre sommeil exprime aussi quelque chose de la personne avec qui nous partageons notre couche, alors, ça change un peu la donne : que nous aimions coucher avec une belle dame, ça se comprend tant que nous sommes éveillés. Mais qu’après les ébats de l’amour, épuisés, nous la quittions pour aller dormir dans un autre lit, un peu plus loin, nous découvrons que nous avons à y perdre.
Oui, nous avons à y perdre le dialogue de nos rêves, lorsque libérés des contraintes de notre conscience, notre inconscient secret se met en quête d’un autre inconscient pour échanger avec lui.
Auprès de la femme aimée, cet échange nocturne deviendrait alors une raison de plus de l’aimer, parce que nous recevrions d’elle cette substance intime de sa pensée et qu’ainsi, même endormi, nous continuerions à jouir de sa présence. Alors, elle ne serait pas seulement « belle comme un rêve », mais aussi « belle de ses rêves ».
Au contraire, d’une femme dont la personnalité contredirait l’attraction qu’exercerait sur nous son corps, nous dirions :

- Chérie, j’aime ton corps et tu sais combien il m’apporte de jouissance. Mais si tu veux bien, nous allons faire chambre à part… 


2 comments:

Anonymous said...

Bêtises d'amoureux!
Je suis d'accord avec Héraclite. Et je ne veux pas que mon voisin de lit s'immisce ds mes rêves! Jamais, depuis env. 30 ans de couche commune, nous n'avons rêvé de concert, malgré la soirée partagée, le film vu ensemble, etc... Et c'est très bien que chacun conserve son monde! Une communion totale ne serait pas enrichissante, I think, et bien peu probable. Je ne peux admettre que vous croyiez à cela. Imaginez-vous un "éclair" reliant 2 voisins d'oreiller? Là, mon cartésianisme supplante mon romantisme.
Et dormir seul a des avantages, mais ici, c'est le romantisme qui gagne: "chéri, tiens moi chaud"...
Bien a vous, N.

Jean-Pierre Hamel said...

Évidemment je suis cartésien et évidemment je ne crois pas à cette communion des esprits. D'ailleurs je suis d'accord avec vous : ce for intérieur c'est notre ultime espace de liberté.
Bien cordialement