Monday, December 07, 2015

Citation du 8 décembre 2015

La sécurité est (considérée comme) l’objet même de l’engagement en société́.
Marcel Gauchet – La démocratie contre elle-même
Voilà un principe qui remonte à Hobbes et qui paraît aujourd’hui tellement banal qu’il est à peine utile de le rappeler : le gouvernement s’évertue d’ailleurs à  montrer combien il est soucieux d’assurer la sécurité des français, quitte à rogner un peu de nos libertés fondamentales.
Seulement voilà ce qui complique un peu les choses : le droit n’a pas une racine, mais deux.
            - Il y a les droits qui supposent une intervention active de l’Etat, comme le droit au travail, au logement, à l’assistance, à l’éducation, etc. Ces droits confèrent à l'individu le droit d'exiger certaines prestations de la part de la société ou de l'État, comme ceux dont on vient de faire l’énumération ; ils impliquent une intervention, une action positive, comme de protéger les citoyens en assurant leur sécurité. La sécurité des citoyens lorsqu'elle dépend de mesures prises par l’Etat, est donc un droit-créance. (1)
            - Et puis il y a aussi les   « droits-liberté » qui garantissent à l’individu la liberté d’opinion, d’action, etc. La liberté des citoyens doit être protégée et en particulier contre le pouvoir envahissant et arbitraire de l’Etat. On arrive ainsi à la contradiction qui oppose ces deux versants du droit : là où le pouvoir protège la sécurité, le même pouvoir détruit aussi la liberté, comme le rappelle fort justement le célèbre aphorisme de Valéry : Si l’Etat est fort, il nous écrase. S’il est faible, nous périssons. (2)
Ces deux droits sont donc en opposition l’un par rapport à l’autre, mais ne pourrait-on pas les concilier en subordonnant l’un à l’autre ?
Vérifions :
            - L’état d’urgence. On le voit sans peine dans les débats qui agitent la classe politique : l’état d’urgence suppose bel et bien qu’on puisse réduire le domaine de la liberté : celle-ci étant jugée subalterne par rapport à la sécurité – d’abord survivre, et puis après vivre libre. Jusqu’où faut-il aller ? On peut évoquer le Patriot act de W. Bush qui donnait à la police des pouvoirs liberticide : les américains n’ont pas souhaité le prolonger, eux qui ont toujours fait preuve de la plus grande méfiance à l’égard du pouvoir fédéral.
            - Peut-on identifier les deux ? Certains disent que la première des libertés est la sécurité. D’autres plus radicaux sans doute, reprennent la phrase de Saint Just : Pas de liberté pour les ennemis de la liberté.
-------------------------------
(1) On les appelle « droits créance », par opposition aux « droits liberté » dont on parle ensuite. Lire ici.

(2) Paul Valéry – Regards sur le monde actuel (Cité le 27/05/2007)

No comments: