Friday, January 01, 2016

Citation du 2 janvier 2016

N'avoir plus que le poil et les cornes.
Aristophane – Les Oiseaux (414 av. J.-C.), 901-902
Il y a cent à parier contre un, que le premier qui porta des sabots était un homme punissable, à moins qu'il n'eut mal aux pieds
Jean-Jacques Rousseau – Dernière réponse à M. Bordes
(avril 1752, à Genève à propos du Discours sur les sciences et les arts)

L’homme qui ne disposerait comme l’animal que des moyens dont la nature l’a doté pour faire face aux difficultés de la vie serait dans le plus grand dénuement imaginable. Telle est l’idée que nous avons habituellement, telle est aussi celle que suggérait Lévi-Strauss en publiant dans Tristes topiques cette photo :
Femmes nambikwaras
Dénuement. – État de (ce) qui est dépouillé des biens matériels, des choses nécessaires ou considérées comme nécessaires à la vie. (Définition CNRTL – A lire ici)

De ce point de vue, certes cette femme et son enfant semblent être dans le plus grand dénuement. Qu’est-ce qui manque à cette femme avec son petit enfant ? Elle n’a pas même de natte sur la quelle coucher ; ni d’oreiller remplacé par son bras replié – toutefois, cela l’empêche-t-il de dormir ? Sommes-nous plus dispos qu’elle pour avoir dormi sur un matelas à mémoire de forme ? Quant à son enfant, serait-il plus malheureux que les nôtres pour n’avoir comme doudou que le sein de sa mère ? A cette question, Rousseau répond non, et il en appelle pour cela à Socrate. Mais nous, nous serions prêt à traduire en justice quiconque traiterait son enfant comme cela. Quel parti adopter ?
- Aristophane le disait : pour vivre l’homme a besoin du support de ses créations culturelles. De ce point de vue, les sabots (de bois) sont nécessaires, de même que l’art de tisser et de faire du feu. C’est que le dénuement apparaît comme étant radicalement lié à la nature humaine. L’homme est arrivé sur terre sans aucun des moyens de survie donnés par la nature : rien, pas même des cornes, ni des poils. Tel est le sens du mythe de Prométhée (1).
- Du coup, nous devrions dire ceci : oui, pour survivre, l’homme doit absolument inventer ce que la nature originelle aurait dû lui donner pour que l’espèce humaine soit viable.
Mais il faut savoir aussi limiter ces inventions : elles devraient juste compenser ce que la nature a donné aux animaux et qu’elle a refusé aux hommes. Ainsi, le véritable dénuement apparaitrait lorsque la faim et le froid font périr les êtres humains dépourvus de poils et de cornes. Mais il disparaît dès que les besoins vitaux que les animaux savent satisfaire sont soulagés grâce aux inventions humaines.  
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(1) Platon – Protagoras, 320-321a. Lire ici

4 comments:

FRANKIE PAIN said...

je joins les corrections de mon ancien commentaire, truffés de fautes la truffe c'est de saison , mais chez moi mes premiers jets spontanées c'est leur farce....

"coorection
Encore la connaissance vient caresser mon esprit quand je vous lis.
Un régale de justesse et d'humour.
Votre carte de voeux et chouette avec les deux nn.
Et la leçon qui nous suit
J’apprends et j'aime apprendre. C’est une manière de ne pas aller dans le mur et de pouvoir progresser au fil des enseignements ( ce que dit levis Strauss d'une juste trace les actes de créations ceux inventé parfois juste que pour la survie.
je me suis régalée de vos vœux, ils m'ont donné la pèche , je crains toujours de ces nuits où d'avoir choisi l'art pour métier, bien peu d’amis m'ont suivie et c'est à ces fêtes là qu’on a parfois la mort dans l’âme mais non, chacn choisit sa sécurité et non pas l’opprobre de la sienne.


Heureusement le marathon d'écrire est une présence amie ennemie, mais chaque année l'on découvre les décalages, les changements de nos points d'intérêt , la distance qu'offre l'écriture au points douloureux et aigus qui deviennent "billevesée". Alors merci cher jean Pierre et que la félicité règne sur votre demeure , votre famille, vous Jean Pierre , la justesse, la beauté et que cette quête du graal ne vous quitte jamais : le plaisir de vos lecteurs et l'enseignement. Nous en avons encore et toujours besoin, , pour le chemin de son simple et essentiel tracé de vie, lacet de vie…..Et créons en beauté cet an neuf. 2016
Je vous embrasse avec ma "blé" affection. Françoise Pain La Mangou"

Jean-Pierre Hamel said...

Je suis très touché chère Frankie de votre message : ce que vous trouvez dans mes textes vient de vous, je me suis contenté de stimuler votre intellect, étant non pas l’endormeur mais l’éveilleur. Telle a toujours été ma vocation, et si j’y parviens parfois, c’est un grand bonheur de le savoir. Quand on écrit, on peut être ravi d’avoir pondu ça – et c’est tant mieux. Mais on peut aussi être encore plus heureux de penser que d’autres y auront trouvé – quoi donc ? Ce que nous y avons mis ? Peut-être, mais aussi ce qui s’est mis à vibrer dans leur esprit.
En tout cas, vous comme moi nous savons qu’il n’y a de bonheur durable que de ces plaisirs de la création qui ne peuvent nous manquer tant qu’on saura les produire.
C’est vraiment ce que je vous souhaite pour l’année nouvelle,
Et je vous embrasse affectueusement
Jean-Pierre

FRANKIE PAIN said...

merci de ce retour qui me touche d'autant plus que je cherche l'axe de mon roman et je suis prête à l'arrêter si à part la richesse qu'il m'a apporté, il ne peut être qu'un gonflement d'ennui à celui qui le lira car il n'y obtiendra aucun vibratione chez l'autre , c'est là à ne pas se tromper d'axe , et l’on sait qu’en lecture un livre peut nous échapper longtemps sans pouvoir décollé de sa bibliothèque , et qu’en pédagogie nous n’avons pas obligatoirement retour sous notre enseignement et un jour….
je prends votre souhait à mon souhait... Françoise

Bipolairementnormale said...

Votre blog est incroyable, merci pour ce voyage au pays de la réflexion et de la citation!