Saturday, November 18, 2017

Citation du 19 novembre 2017

J’ai trop d’ennuis pour avoir le temps de m’ennuyer.
Librement adapté de : Jankélévitch – L’aventure, l’ennui, le sérieux
Flammarion page 101
Dimanche : jour de farniente… Ne rien faire – et si ce n’était pas une situation si enviable que cela ? Vivement lundi !

Cette phrase de Jankélévitch ne servirait-elle qu’à illustrer un exemple de métonymie ? (1)
Que nenni !
Il s’agit pour Jankélévitch (dont les admirateurs voudront bien m’excuser d’avoir synthétisé un peu brutalement sa citation) de dire tout bonnement une vérité : s’ennuyer suppose que les préoccupations de la vie nous soient épargnées… à notre regret puisqu’alors la vie sans les ennuis devient ennuyeuse.
On arrive à ce paradoxe que Jankélévitch développe : le bonheur peut être vécu comme un malheur – ou du moins comme une souffrance. La tranquillité qui s’étire sans faille durant une longue période (de vacances ou même à l’heure de la retraite) peut fort bien être éprouvée comme langueur, comme moment où notre vie perd son intérêt, voire même où nous sommes assaillis de doutes qui ne nous auraient même pas effleurés en période de lutte pour surmonter des obstacles. On aura reconnu le rôle du divertissement chez Pascal.
Bien sûr Pascal fait du divertissement un état recherché pour le bonheur qu’il procure (2) et non par une situation qui échoit à certains sans même qu’ils l’aient voulu. Mais l’idée reste la même : on ne supporterait pas très longtemps d’être sans occupation parce que cette absence de souci est le lieu de méditation anxieuse en face des risques que nous courons du simple fait d’exister. Ce que Jankélévitch nous suggère, c’est qu’on peut laïciser tant qu’on voudra la thèse pascalienne, elle n’en restera pas moins valable.



----------------------------------------
 (1) Métonymie : Figure d'expression par laquelle on désigne une entité conceptuelle au moyen d'un terme qui, en langue, en signifie une autre, celle-ci étant, au départ, associée à la première par un rapport de contiguïté. (CNTRL)
Ici : on éprouve un sentiment de désagrément, de contrariété, confondu avec ce qui cause le sentiment de contrariété ou d'inquiétude.
(2) Que Pascal condamne parce que le prix à payer est le plus fort qui soit : c’est la perte du salut

No comments: