Sunday, November 19, 2017

Citation du 20 novembre 2017

Plus-tard devient sans cesse maintenant. Demain deviendra hier… après-demain !
Jankélévitch – L’aventure, l’ennui, le sérieux  page 101  Flammarion

C’est avec des phrases comme celles-là que les philosophes se sont fait une réputation de sodomiseurs de musca domestica . Quelle injustice ! D’abord parce que nous autres philosophes nous respectons trop la nature pour lui faire subir les assauts de notre libido ; ensuite, parce que si des phrases comme celles-ci paraissent inutilement alambiquées, c’est dû au fait que les gens les lisent sans y mettre l’attention nécessaire.
En réalité ce glissement incessant des moments du temps par rapport à nous semble beaucoup plus évident lorsqu’il est exprimé de façon humoristique. Comme dans ce panneau supposé affiché dans la vitrine du barbier : « Demain, on rase gratis »,

… car on suppose de suite que « demain » n’arrivera jamais : puisque demain, « demain » s’appellera « aujourd’hui ».
En fait, le piège tient au fait que nous nous supposions immobiles regardant défiler les jours comme la vache dans son pré regarde passer les trains. Mais supposez que ce soit dans votre imagination que se fasse le déplacement : alors demain, lorsque vous y penserez, restera toujours marqué du sceau de l’espérance placée dans le futur. Et ce que j’imagine comme devant survenir demain n’aura plus du tout la même nature lorsqu’il sera advenu. Que le 25 décembre soit un « demain » espéré par les petits enfants, c’est un fait ; mais lorsque le 25 décembre sera là, il est possible qu’il doit vécu de façon très différente. On dit « Vivement dimanche prochain » et non « Chic ! c’est dimanche » lorsqu’il s’agit du jour même

Du coup qu’on choisisse le jour où les barbiers raseront gratis comme étant le symbole d’un demain devenu aujourd’hui est fort clair : car il s’agit d’un évènement qu’on identifie comme radicalement impossible.

La preuve : les barbus fleurissent un peu partout ces temps-ci.

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