Wednesday, November 29, 2017

Citation du 30 novembre 2017

Ecrire, c'est tenter de savoir ce qu'on écrirait si on écrivait - on le sait qu'après - avant, c'est la question la plus dangereuse que l'on puisse se poser. Mais c'est la plus courante aussi. L'écrit ça arrive comme le vent, c'est nu, c'est de l'encre, c'est l'écrit et ça passe comme rien d'autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.
Marguerite Duras
Il arrive qu’on aime un livre, un texte parce qu’il dit quelque chose qu’on pense, quelque chose né dans une sphère très intime de notre âme, et qui est resté là, bien au chaud, comme ignorant la réalité et le monde extérieur. Et voilà que, tout à coup, il nous saute à la figure comme ça, sans crier « Gare ! », et alors on aime ce livre pardessus tout – ou bien on le jette avec dépit et on crie « Au voleur ! » comme si on nous avait dépossédé de quelque chose de précieux. 

Je disais récemment à une amie : « Je n’écris pas pour être lu (encore que ce soit un vrai plaisir) ; j’écris pour savoir ce que j’ai à dire ».
Alors, je n’aime pas me répéter, parce que justement je sais déjà ce que je vais dire, mais quand même repasser de l’encre fraiche sur de l’encre sèche, c’est une façon de la renforcer.
Ce que Marguerite Duras évoque très fortement, c’est l’imprévu de la création. Le fait est que ces mots, ces phrases arrivent comme ça, venus sans qu’on sache d’où – oui, mais ces mots-là c’est comme la encontre de l’amour : on ne les connaît pas encore, mais on sait tout de suite que ce sont ceux-là qu’on attendait. On se doute alors que créer c’est se mettre en situation, ouvert à l’inflexion de ces pensées qui s’invitent sans qu’on les ait appelées.

Là où je me sépare de la pensée de Marguerite Duras, c’est lorsqu’elle dit que l’écrit, ça passe, sans doute bousculé par d’autres écrits. Chez moi, l’écrit ne passe pas : il s’incruste et devient un objet de recherche et de réflexion qui va appeler de nouvelles pensées, à moins que ça reste comme ça, simple objet sur le quel travailler, refaire et parfois détruire.
Ecoutez Boileau – il disait bien :
Avant donc que d’écrire apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
L’art poétique – Chant I
Mais il ajoutait :
Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
L’art poétique – Chant I

(Lire ici le poème de Boileau)

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