Goethe – Faust I – Cabinet d’étude
Par cette formule, Faust accorde son âme à Méphistophélès. Sauf que dans le passage cité, Faust ne fait que convenir du signal pour donner son consentement au diable ; et lorsqu’il la prononce vraiment, c’est bien plus tard, dans le Faust II, (vers11582) ; mais alors, mourant, il lui échappe de fait. (1)
On n’en aura jamais fini sans doute de commenter ce passage où l’esprit supérieur qu’est Faust se propose d’appartenir au démon.
Pourtant il est une évidence que l’on oublie trop souvent : c’est que dans ce passage, c’est Faust lui-même qui propose le pacte à Méphisto.
Et même on doit corriger la formule : ce n’est pas un pacte mais un pari – pari que le diable a déjà proposé à Dieu – pari que l’esprit humain dans ce qu’il a de supérieur se laissera détourner de sa spiritualité par la recherche de la jouissance et des plaisirs sensuels.
Au pari de Pascal, qui est un pari avec Dieu, répond donc le pari de Faust, qui est un pari avec le Diable. Et une grande partie du Faust I est consacrée à décrire les avantages obtenus par l’homme qui est servi par le Diable, contre celui qui s’en remet aux forces de l’esprit, incarné par l’Université et ses mesquineries.(2)
Au fond l’erreur serait de confondre ces deux paris, avec le risque de voir le choix proposé à l’homme se partager entre le vice et la vertu.
Car nous avons très clairement l’opposition entre l’immédiat de la jouissance – offerte par Méphistophélès – et le chemin long – très long – de la création et du savoir. Je sais bien qu’une tradition voulait que le docteur Faust se damne pour obtenir de Méphisto la science lui permettant de secourir ses concitoyens victimes de la peste (3). Mais c’est encore jouer l’immédiat contre la durée, la jouissance du pouvoir contre la longue ascèse de l’esprit. Il y a du Kierkegaard là-dessous.
Méditons ce pari, car il pourrait bien résumer, aujourd’hui plus que jamais, l’enjeu de toute existence.
(1) Reste que près de trente années d’écriture et plusieurs milliers de pages séparent ces deux passages.
Je ne connais que Proust pour avoir une telle continuité, avec l'épisode de la petite madeleine, décrit au début du premier livre de la Recherche du temps perdu, et commenté à la fin du dernier volume – Le temps retrouvé.
(2) Et l'amour de Marguerite ? La jouissance. Et la jeunesse retrouvée ? La jouissance - et pas trop le pouvoir de se transformer au mépris des lois de la nature, comme le supposait récemment Pascal Nègre déclarant : "Michael Jackson, c'est Faust..."
(3) C’est ce qu’on trouve dans le film de Murnau (1926). Vous avez 1 heure 46 minutes et 8 secondes devant vous ? Regardez donc le film ici
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