Sunday, February 16, 2014

Citation du 17 février 2014


Le travail de deuil consiste à tuer le mort
Lagache – Le travail de deuil (1938)
L’expression « travail de deuil » (Trauerarbeit), effectivement utilisée par Freud dans Deuil et mélancolie, m’a toujours paru ridicule : j’imagine un inspecteur du travail venant voir l’homme éploré qui a perdu un être cher, et lui demande : « Alors ? Où en es-tu de ton travail de deuil depuis la dernière fois ? Tu n’as fait que ça ?! Fais bien attention, tu sais que dans 5 semaines, si tu n’as pas terminé, tu seras viré ! »
En réalité, Freud veut nous faire comprendre que le deuil n’est pas une évolution spontanée des sentiments, mais qu’il s’agit de désinvestissement et de réinvestissement de l’énergie libidinale dans un nouvel objet, et que tout cela constitue une « tâche affective utilisant une grande énergie psychique et physique » (Art. Wiki).
Le problème c’est qu’on ne sait pas trop à quoi ça doit aboutir. Ainsi dans le même article on nous dit :
1 - Il faut se réinvestir, se reconstruire, accepter que la vie continue sans la personne chère ;
2 - mais aussi que le travail de deuil consiste à « remplacer la perte par une présence intérieure », Janine Pillot (art. Wiki ici)
Bref, si dans la première version on « tue le mort » comme dit Lagache, dans la seconde on lui offre quand même une autre place – un écrin dans le cœur plutôt que le froid tombeau – ce qui coïncide avec une autre forme d’existence.
On peut dire au veuf « Remarie-toi ! Il faut tourner la page, sinon tu vas dépérir ». On peut aussi chercher à le consoler : « Ton épouse adorée ne t’a pas quitté : elle est en toi, elle survit en toi, elle n’existe que par toi. »
Quoiqu’il en soit (meurtre du mort ou pas), le travail de deuil signifie mettre un terme au chagrin.
Dans son dernier récit autobiographique (1), Julian Barnes dit qu’après 4 ans de veuvage, il est comme au premier jour : il vit avec son chagrin, et c’est une expérience qui, elle aussi, est pleine de richesse.
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(1) Julian Barnes – Quand tout est déjà arrivé (Mercure de France)

1 comment:

FRANKIE PAIN said...

très beau sujet , fort complexe à réaliser.
interressant pour un philosophe que de respecter le domaine de la psychanalyse.
c'est un grand et très long sujet
mais j'aime bien l'étre à l'interieur et une petite pointe d'humour sur un sujet comme çà , c'est que vous en étes sortie de vos travaux de deuil actels
grso bisous à bient^to