Monday, February 03, 2014

Citation du 4 février 2014



Chose étrange, si la commune nature animale permet de faire de l’homme, tour à tour et selon les besoins, un chimpanzé, un loup, ou une grouse d’Ecosse, on ne se préoccupe nullement d’expliquer le loup par la grouse ni le chimpanzé par le loup. (…) Si “l’homme est un loup pour l’homme”, le hareng pour autant n’est pas “un tigre pour le hareng”.
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir 1992

L’étonnement de Colette Guillaumin est amusant, mais il n’est pas sérieux. Parce qu’il est évident que, s’il n’y a pas de place dans le hareng pour loger un tigre, en revanche, il y a de la place dans l’homme pour y loger un loup.
La conséquence est la suivante : alors que le hareng est de part en part un hareng – et rien d’autre – l’homme n’est lui-même qu’à condition de pouvoir être aussi autre chose,  comme un loup.
Tout l’intérêt de cette citation est donc de savoir comment l’homme se débrouille pour avoir de la place pour ça. Je veux dire : comment le loup et l’agneau se retrouvent dans la même peau sans que l’un ne dévore l’autre ? Y aurait-il quelque mystérieux  traité d’armistice entre eux ? A moins qu’une bascule fasse disparaitre l’un quand l’autre apparait ?
Et puis aussi, combien d’animaux vivent avec nous dans la même peau ? Un seul ? Mais alors on risque de devenir loup-garou. Deux, tantôt loup tantôt agneau ? Plus que ça ? Finalement, Noé au lieu de se fatiguer à fabriquer son Arche aurait pu se contenter d’embarquer un couple d’humains, ils auraient re-fabriqué tout le bestiaire de la création.
Mais tout ça nous ne pouvons le comprendre qu’à condition de revenir aux origines du Totémisme.
« Le totémisme est d'abord la projection, hors de notre univers, et comme par un exorcisme, d'attitudes mentales incompatibles avec l'exigence de la discontinuité entre l'homme et la nature, que la pensée chrétienne tenait pour essentielle ». Lévi-Strauss – Le Totémisme aujourd'hui.
Autrement dit, l’étonnant n’est pas qu’il y ait tant de bestiaux dans notre peau, mais plutôt qu’on considère ces attitudes qui s’incarnent comme étant spécifique d’autant d’espèces différentes de la nôtre.

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