Sunday, February 01, 2015

Citation du 2 février 2015

Tu avais coutume de dire que nous avions la vie trop belle. (…) Ce que tu avais acquis en luttant, nous le recevions de ta main, mais ce combat pour la vie extérieure qui t’avait été immédiatement accessible  et qui, bien entendu, ne nous était pas plus épargné qu’à toi, il nous fallait le gagner sur le tard, à l’âge adulte, avec des forces qui étaient demeurées celles d’un enfant.
Kafka – Lettre au père (1919)
« Les enfants ! Vous avez la vie trop belle ! C’est d’une bonne petite guerre que vous avez besoin ! » : de mon temps (!) en entendait des vieux croûtons réac’ radoter comme ça.
Mais en réalité, ce n’est pas si exceptionnel que ça – je dirais même que c’est un principe l’éducatif : faire en sorte que les enfants devienne capables avec leur propres forces de lutter pour survivre ; il faut donc que ces forces soient éduquées lorsqu’il en est temps c’est à dire  lors qu’elles sont capables de développement.
Si la guerre n’est pas disponible (!), entrainons les enfants à vivre à la dure pour qu’ils soient ensuite prêts à faire face aux rigueurs de la vie. Ainsi des petits spartiates qui devaient survivre  - et parfois mourir – dans des conditions extrêmes infligées par les adultes (1). Et quant à nous, nous avons aujourd’hui encore des organisations scoutes qui forment les garçons et les filles à vivre à la dure.
D’où vient alors que nous soyons si rétifs à reconnaitre la souffrance comme formatrice pour l’éducation des jeunes ? Je ne parle pas de la souffrance comme châtiment, mais de celle qui découle des conditions de vie infligées dans un but éducatif aux enfants. Et quand je dis « rétifs » le mot est faible : obligez votre enfant à dormir sur le balcon en plein hiver et vous verrez ce que la police, appelée par les voisins, va vous faire !  
On peut penser que c’est une conséquence de l’évolution de la civilisation : depuis le 18ème siècle et Rousseau (2) on considère que l’enfance doit être considérée comme une période à part, je dirais presque comme un moment autonome de la vie, où l’éducation doit être immédiatement profitable – sans trop se poser la question des effets à long terme.
Pour nous, l’éducation est un investissement qui, comme l’impose aujourd’hui la Loi du Marché, doit être rentable à très court terme, presque un investissement spéculatif.
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(1) « Pendant l'enfance, (les spartiates) mettent l'accent sur la discipline et la rigueur : les garçons ont la tête rasée, vont pieds nus et n'ont qu'un seul manteau par an. Une sous-alimentation chronique les oblige à voler leur nourriture, et ils dorment sur des paillasses de roseaux de l'Eurotas qu'ils ont eux-mêmes coupés, sans outil. » nous dit Wiki, Art. Education spartiate.

(2) Encore que le petit Emile soit soumis de la part de son précepteur à des machinations qui nous révoltent.

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