Wednesday, October 21, 2015

Citation du 22 octobre 2015

La fin est dans le commencement, et cependant on continue.
Samuel Beckett – Fin de partie (1957)
Aussitôt qu’un homme vient à la vie, il est déjà assez vieux pour mourir.
Heidegger – Etre et temps, § 48
Voyez ces jeunes gens qui s’aiment. Leur histoire d’amour vient juste d’éclore et ils se découvrent mutuellement avec ravissement. Ils font rimer amour avec toujours : « Jamais je ne te quitterai, même la mort ne pourra pas nous séparer. » La profondeur et l’intensité de leur sentiment sont si forts qu’elles constituent, comme la foi religieuse, une preuve plus que suffisante que cet engagement soit nécessairement éternel.
o-o-o
Mais il y a plus : le petit enfant nous semble un être destiné à vivre, quelqu’un qui ne peut subir la mort. Et pourtant cette réalité que le bébé peut lui aussi mourir, Heidegger nous met « le nez dedans » : tant pis pour nous si ça nous scandalise – oui, le petit enfant peut lui aussi mourir, il est déjà assez vieux pour mourir.
Mais quel scandale !  Le cadavre du petit Aylan noyé sur la plage (Je ne republie pas la photo, on peut la voir ici) a violemment ému parce qu’il nous présentait cette réalité insoutenable : un petit enfant mort !

La nature de cette résistance à un tel fait, pourtant connu de chacun, est d’ordre psychologique et c’est Freud qui l’a théorisé en 1923 avec le concept de déni de réalité (Verleugnung) :
« Ce mécanisme prouve son efficacité en tant que défense du moi, dans le sens où il empêche un conflit entre une perception réelle fortement désagréable pour le moi et la perception voulue en accord avec la réalité pré-construite de l’individu, non par une comparaison de ces deux réalités, l’une extérieure, l’autre de pensée, mais par une suspension de jugement et donc de décision vis à vis de ces contradictions. » (Lu ici)
Voilà donc : l’insoutenable réalité est là, devant nos yeux, mais il faut continuer à vivre malgré tout, donc il faut faire comme si tout cela n’était pas possible… Certes, la fin est dans le commencement, et cependant on continue – il faut continuer.

Donc, évitons de voir l’enfant mort, parce que ça nous tape méchamment sur l’inconscient -  et ça fait très mal…

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