Sunday, October 11, 2015

Citation du 12 octobre 2015

 J'ai horreur de me voir à l'improviste dans une glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante.
Leiris (1)
 
Picasso – « Autoportrait face à la mort » - 1972 (moins d’un an avant la mort de l’artiste)

Si l’on accepte l’idée que voir notre visage serait une expérience humiliante de notre propre laideur, on peut s’interroger sur la pratique si constante de l’autoportrait chez les peintres – et des selfies pour le commun des mortels. S’agit-il d’une  pratique masochiste visant à contempler cette repoussante laideur qui est la notre ? S’agit-il de se rassurer en constatant  que – tout compte fait – on n’est pas si moche que ça ? Ou bien s’agit-il d’apprivoiser ce visage qui est le notre, qui est même le plus proche de nous qu’il est possible et qui, pourtant nous paraît si étrange ?
Sans pouvoir généraliser ce serait là mon hypothèse : cet autoportrait face à la mort de Picasso est une recherche de soi-même, telle qu’un artiste peut la faire. Et en effet, un artiste peintre est quelqu’un qui trouve l’essence des choses dans la révélation – il vaudrait mieux dire : la monstration – de ce qu’elles dévoilent lorsqu’on les représente en peinture. On sait combien de commentaires ont suscité les souliers peints par Van Gogh. Alors que ces souliers « réels » seraient justes bons à mettre à la poubelle, avec leur représentation peinte, c’est toute la fatigue du travailleur qu’on retrouve : pourquoi pas l’angoisse de la mort dans un autoportrait ?
o-o-o
Alors bien sûr inutile de penser trouver la même démarche dans la pratique du selfie. Celui-ci est non seulement plus superficiel, mais il est aussi essentiellement narcissique. Ce qu’on cherche à capter, c’est le beau visage, dans un beau décor, éventuellement avec des beaux amis.

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(1) Voir aussi l’anecdote semblable racontée par Freud et citée ici.

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