Thursday, October 22, 2015

Citation du 23 octobre 2015

L'enfance est le commencement de l'humanité.
Lacordaire – Conférence de Notre-Dame de Paris (1835)
Deux manières de lire cette citation :
- L’une, banale, consiste à dire que l’enfant qui vient de naitre commence un périple qui passe par toutes les étapes de l’hominisation : c’est comme cela qu’il va accéder finalement au statut d’être humain à part entière. On jugeait ainsi autrefois que l’enfance était une période de la vie qui se définissait par ses carences plutôt que par ses richesses spécifiques: l’enfant est un petit homme (femme) privé de raison : ne dit-on pas que 7 ans est l’âge de raison ? (1) 
- L’autre consiste à inverser les éléments de la phrase : l’humanité à son commencement était comme le petit enfant aujourd’hui. Les hommes primitifs (les chasseurs cueilleurs du paléolithique) étaient des grands enfants, et l’évolution de l’humanité passe par une succession d’étapes analogues à celles de l’adulte qui avant d’arriver à l’âge d’homme doit d’abord être adolescent, puis jeune homme, etc…

Cette croyance qui paraît simplement naïve et innocente, est liée à des préjugés antérieurs au développement de la science ; mais elle est en réalité toujours active dans la théorie des races. Sinon, pourquoi serions-nous si réactifs dès que le mot « race » apparait ?
--> C’est que l’idée de race est intimement liée à celle d’évolution différentielle de l’humanité, certaines de ces races étant considérées comme des fossiles vivants venus de périodes archaïques : les « races » jugées primitives aujourd’hui étant faites d’enfants dans un corps d’homme. Raison pour la quelle les colonisateurs devaient les gouverner comme on gouverne les enfants, avec toutefois la différence que l’enfant évolue vers l’âge adulte alors que le sauvage passé à l’âge adulte sans être sorti de l’enfance ne pourrait jamais accéder à la véritable indépendance (2)
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(1) Sur tout cela, lire le livre d’Elisabeth Badinter « L’amour en plus ». (1980)
(2) Là encore, pour mémoire, qu’on relise si on en a le courage le discours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy en 2007 : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. Le paysan africain qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Etc. ».

Et toujours pour mémoire qu’on se rappelle que tout cela est pompé dans Hegel : « L'Afrique n'est pas une partie historique du monde. Elle n'a pas de mouvements, de développements à montrer, de mouvements historiques en elle. C'est-à-dire que sa partie septentrionale appartient au monde européen ou asiatique ; ce que nous entendons précisément par l'Afrique est l'esprit ahistorique, l'esprit non développé, encore enveloppé dans des conditions de naturel et qui doit être présenté ici seulement comme au seuil de l'histoire du monde. » Hegel, Leçon sur la philosophie de l’histoire (1822-1823)

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