Thursday, December 14, 2006

Citation du 15 décembre 2006

Presque tous les hommes sont esclaves, par la raison que les Spartiates donnaient de la servitude des Perses, faute de savoir prononcer la syllabe non.

CHAMFORT - Maximes et Pensées, Caractères et Anecdotes

Beaucoup considèrent que le refus est en même temps l’affirmation de soi : la volonté virile est habituellement reconnue dans cette capacité de résistance, contre l’oppresseur, contre l’ami attentionné, contre la maman envahissante : c’est le type qui en a. C’est la lutte contre les autres qui permet d’exister, qui ménage cet espace sans le quel le « moi » serait étouffé.

Les psychologues ont découvert un stade de développement de l’enfant qu’ils ont appelé « l’âge du non » : situé vers 2 ans, il est caractérisé par le refus systématique de l’enfant devant toutes les demandes qui lui sont adressées. On dit alors que c’est pour lui un moyen de s’affirmer : il se pose en s’opposant.

Pourtant, certaines restrictions devraient nous faire réfléchir avant de souscrire à l’affirmation de Chamfort.

- Dire « non » n’est pas forcément la preuve d’une force. Un psy américain, R.A. Spitz, après avoir étudié des nourrissons placés dans des conditions d’isolement affectif sévères, a conclu que le mouvement de refus de la tête - mouvement de gauche à droite, appelé « mouvement céphalogire négatif » - reproduisait en réalité un mouvement de fouissement par le quel le nourrisson instinctivement recherche par un balayage le mamelon, et le happe. La répétition fréquente de ce mouvement, chez le jeune enfant est déjà une régression pathologique. La négation, exprimée par le « non » fait de la tête, serait donc une régression à un stade infantile de la vie, un recul devant ses difficultés, un retour dans le giron maternel.

- Dire « oui » est le fait des créateurs. Mais nous les philosophes, nous la savions avant même que les psy s’occupent de nous. Nietzsche, dans un de ses plus beaux textes, montre l’enfant comme source d’affirmation, avant d’être négation. Pour nier il faut lutter contre les autres. L’enfant trop faible pour cela a une autre arme : il affirme ce qu’il pense sans se soucier de quiconque. Il est, dit Nietzsche, « affirmation sainte » :

« En vérité, mes frères, pour jouer le jeu des créateurs, il faut être une affirmation sainte ; l’esprit à présent veut son propre vouloir ; ayant perdu le monde, il conquiert son propre monde. »

Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra - 1ère partie


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