Tuesday, December 05, 2006

Citation du 6 décembre 2006

L’homme n’est rien d’autre […] que l’ensemble de ses actes.

Jean-Paul Sartre - L’existentialisme est un humanisme

Cette phrase souvent répétée pour rejeter les promesses au profit de leur réalisation, doit être prise dans toute son étendue : « L’homme n’est rien d’autre » que ce qu’il a fait, et les sentiments, les joies ou les regrets ne servent à rien pour définir notre vie. Par exemple, je ne peux dire « Ah ! si seulement mes parents avaient eu les moyens me payer des études, j’aurais pu faire polytechnique, j’en avais l’étoffe … ». Non. Je suis celui qui a fait un C.A.P. de boulangerie. Point final. Et mes sentiments alors ? Ce n’est donc rien ? Si, bien sûr : mais, mes regrets, mon amertume sont aussi des actes : ils sont ce par quoi je me produis comme un raté. Autant dire qu’en choisissant d’être un raté j’ai choisi de considérer la boulangerie comme une manière de rater sa vie (1).

Qu’est-ce qui compte alors dans la vie ? C’est « ce que je parviens à faire avec ce qu’on a fait de moi » (Sartre - idem). Alors, certes il y a de l’injustice sociale, et je n’ai pas eu la liberté de choisir le milieu social dans le quel je suis né. Mais ce milieu, s’il me prive de certaines possibilité n’a pas déterminé l’ensemble de ma trajectoire. Il en a facilité certaines, il a rendu les autres plus difficiles. Mais le choix entre les une et les autres, c’est à moi qu’il incombe. Et ces choix sont ce qui réalise ma vie. Voilà ce qu’on appelle l’existentialisme.

Il y a des philosophies plus subtiles que celle-ci - je le sais bien. Mais ce qui est stimulant dans l’existentialisme, ce pour quoi il a eu une telle vogue, c’est qu’il implique chacun d’entre nous. Au fond, l’importance qu’on accorde à la philosophie aujourd’hui encore, vient de sa capacité à nous remettre en cause. Non pas qu’il faille nécessairement donner raison à Sartre ; et d’ailleurs lui-même est en partie revenu sur certaines de ses thèses : il y a des choix plus faciles que d’autres à faire, et ceux-là, c’est la société qui les distribue, sans tenir compte du mérite personnel. Mais il nous invite à reconsidérer nos responsabilités, non pas dans un esprit de mortification, mais plutôt pour enquêter sur leur répartition.

(1) Que les boulangers qui me lisent sachent bien que ce n’est pas un point de vue que je partage.

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