Tuesday, December 09, 2008

Citation du 10 décembre 2008


C'est en cherchant l'impossible que l'homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n'ont jamais avancé d'un seul pas.

Bakounine – L'empire knouto-germanique (1)

Bakounine s’en prend ici à tous ceux qui font obstacle au développement de la connaissance, tous ceux qui se dressent, comme Dieu le Père, pour interdire l’accès au savoir – le fruit défendu de l’arbre de la science.

Contre quoi il affirme non seulement qu’il est dans la nature de l’homme de s’élancer contre l’obstacle, mais encore qu’elle en est capable, grâce à sa formidable puissance d'abstraction.

Mais pourquoi interdirait-on l’accès à la science ?

1 – Il y a quelques années, un polémique s’était développée à propos des recherches en génétique humaine. Jacques Testart, biologiste, avait préféré interrompre ses recherches sur le génome humain, affirmant que les scientifiques qui parviendraient à en maîtriser la formule prendraient le responsabilité des manipulations qu’on ne manquerait pas de lui faire subir dès lors qu’on en aurait le pouvoir. On retrouve ces préoccupations aujourd’hui encore sur son site, dans un article contre le diagnostique préimplantatoires.

2 – On retrouve aussi cet interdit chez les adeptes de l’ésotérismes, comme aujourd’hui encore les francs-maçons, pour qui la sagesse est un préalable à la possession du savoir – à l’opposé de la thèse des grecs, qui affirmait au contraire que la sagesse est la conséquence du savoir. Il faudrait alors que la science soit cachée à tous ceux qui n’ont pas reçus l’initiation.

3 – Mais enfin… l’idée développée par la Bible est encore la plus fréquemment rencontrée au cours de l’histoire : qui accroît la science accroît sa puissance, et c’est ça qu’il ne faut pas. On se rappelle qu’au XVIIème siècle les femmes et les esclaves ne devaient pas être instruits, même pas apprendre à lire (2), parce que cela constituait un ferment de révolte contre l’Autorité.

Que Dieu le Père n’ait pas voulu ça, je n’en sais rien. En tout cas c’est bien l’interprétation qu’en a tiré son Eglise.


(1) Bakounine, Michel : l'empire knouto-germanique. Œuvres complètes. Champ libre, Paris, 1982, vol. VIII (pp. 246-247). Comme cette citation est enlevée de son contexte voici quelques lignes qui complètent l'idée :
" ... l'édification de la science universelle, la compréhension de l'unité... (Ce but se trouve en contradiction flagrante avec l'impossibilité évidente pour l'homme de pouvoir le réaliser jamais.) [...] " et pourtant l'homme ne peut y renoncer et il n'y renoncera jamais. " [...] " Cette contradiction est dans la nature de l'homme, et surtout elle est dans la nature de notre esprit : armé de sa formidable puissance d'abstraction, il ne reconnaît et ne reconnaîtra jamais aucune limite pour sa curiosité impérieuse, passionnée, avide de tout savoir et de tout embrasser. Il suffit de lui dire : " Tu n'iras pas au-delà ", pour que, de toute la puissance de cette curiosité irritée par l'obstacle, il tende à s'élancer au-delà. " [...] " Cette immodération, cette désobéissance, cette révolte de l'esprit humain contre toute limite imposée soit au nom du Bon Dieu, soit au nom de la science, constituent son honneur, le secret de sa puissance et de sa liberté. C'est en cherchant l'impossible que l'homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n'ont jamais avancé d'un seul pas. "

(2) En fait les femmes pouvaient apprendre à lire pour avoir accès à l’Evangile, mais pas à écrire pour ne pas correspondre avec un éventuel amant.

1 comment:

Alphée said...

Testard a cherché l'impossible ;rendu possible, il s'est rendu compte qu'il n'en voulait pas.