Thursday, December 04, 2008

Citation du 5 décembre 2008


Le ridicule déshonore plus que le déshonneur.

La Rochefoucauld – Maximes

M. de la Rochefoucauld dit, que le déshonorant offense moins que le ridicule. Je penserais comme lui, par la raison qu'il n'est au pouvoir de personne d'en déshonorer une autre : c'est notre propre conduite et non les discours d'autrui qui nous déshonorent. Les causes du déshonneur sont connues et certaines : le ridicule est purement arbitraire.

Madame de Lambert – Avis d'une mère à son fils

Avouez que pour quelqu’un qui, comme moi, commente des citations, l’idéal est de trouver une citation qui en commente une autre.

Il faut pourtant observer que madame de Lambert (1) commence par une traduction : « le ridicule déshonore plus que le déshonneur » devient « le déshonorant offense moins que le ridicule ».

Ce qui veut dire qu’on a encore à expliquer cette traduction : que veut dire madame de Lambert ?

Et en effet, madame de Lambert nous guide très sûrement vers le sens de la pensée de La Rochefoucauld : être déshonoré, c’est être offensé et l’offense vient des autres. Et donc, on ne peut jamais être déshonoré par soi-même, mais seulement par les autres. Ce qui veut dire aussi que le vrai déshonneur ne vient pas d’une situation mais de l’intention d’offenser, la quelle se manifeste par la raillerie ridiculisante.

Même s’il y a sans doute des situations ridiculisantes, elles ne le sont vraiment que si autrui est là pour s’en moquer : on n’est ridicule que lorsqu’on est ridiculisé.

Bon. Maintenant, la question est : faut-il se sentir offensé quand on se moque de nous ? Je veux dire : offensé au point d’en être déshonoré, et on sait comment finissait les querelles d’honneur à l’époque de madame de Lambert. D’ailleurs le film de Patrice Leconte dont on se rappelle peut-être (2), montre à la perfection le caractère infâmant de la ridiculisation.

Est-ce si évident ?

Il faut rappeler que Spinoza (un des rares philosophes à ma connaissance ayant écrit quelque chose sur ce sujet), considère que tourner quelqu’un en ridicule déshonore celui qui raille et non celui qui en est l’objet : « La moquerie et la raillerie reposent sur une opinion fausse et manifestent une imperfection dans le moqueur et le railleur. » (Court traité, ch. XI). Il revient à la charge, dans l’Ethique (IVème partie, proposition XLV, scolie – corollaire 1) : « L’envie, la moquerie, le mépris, la colère, la vengeance et les autres sentiments qui se rapportent à la haine ou en naissent sont mauvais… ».

Si déshonneur il y a, il serait donc plus pour le railleur que pour le raillé.


(1) A l’époque de la Régence, son salon passait pour le temple des bienséances et du bon goût, nous dit Wikipédia – voir la suite.

(2) Ridicule film de Patrice Leconte date de 1996. Voir ici.

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