Saturday, December 13, 2008

Citation du 14 décembre 2008


D'où vient le charme des enfants, sinon de moi [la folie], qui leur épargne la raison, et, du même coup, le souci?

[…] On croit qu’ils [les vieillards] déraisonnent, qu’ils radotent ; sans doute, c’est cela même qui est redevenir enfant. Radoter, déraisonner, n’est-ce pas tout le charme de l’enfance ?

Érasme – Éloge de la folie ch. XIII (1)

Erasme nous pose une question toute simple : comment se fait-il que ce qui nous charme chez les enfants nous déplaise chez les vieillards ? Car les enfants tout comme les vieillards radotent, puisque radoter c’est déraisonner.

On dit aujourd’hui encore avec pitié d’un vieillard qu’il « retombe en enfance », et pourtant nous regrettons notre enfance et nous nous extasions devant les petits enfants lorsque nous entendons leur babil.

Quelle inconséquence ! Ne donne-t-elle pas raison à Érasme lorsqu’il dit que la folie nous domine et que nous aimons cette domination ?

Il fallait un certain courage pour affirmer que les vieillards déraisonnent, qu’ils radotent, alors que tous – à cette époque – estimaient que la vieillesse est l’âge de la sagesse.

--> Sages ou radoteurs, que sont les vieillards ?

La sagesse serait l’apanage de la vieillesse, non seulement parce que les vieux ont beaucoup vécu et accumulé des expériences de la vie qu’aucun savoir transmissible ne saurait donner ; et surtout, parce qu’elle n’a plus de passions.

Ça, c’est Platon qui n’arrête pas de le dire : les vieillards – entendez les plus de 50 ans – n’ont plus ces emportements qui caractérisent la jeunesse et qui la rend ingouvernable, imprévisible.

1ère observation : qu’en est-il des vieillardes ? Ont-elles moins de passions que dans leur jeunesse ? En tout cas, liftées et fringuées fashion-victimes, chez elles le maintien d’une mentalité « djeune » reste bien vu, comme quelque chose de positif.

2ème observation : à notre époque, les vieux sont repérés comme des hommes à qui il manquerait un peu de testostérone. Et quand ils en ont encore – ou semblent en avoir – alors ce sont des vieux beaux, des vieux satyres, etc…Quelle injustice !

En tout cas, l’énergie de la jeunesse n’apparaît plus être un obstacle à l’exercice de la raison et on ne croit plus que pour philosopher il faille manifester la mollesse du vieil homme…

3ème observation : mais surtout, Érasme affirme que la raison est source de souci. Heureux les vieux radoteurs, ils ne se soucient pas de leur avenir.

Cessons je vous prie de plaindre les Alzheimer !


(1) Dans cette prosopopée (2) ironique, Érasme fait parler la folie, grande maîtresse des actions des hommes de son temps, qui devrait être adulée de tous, et que pourtant on ne loue quand il le faudrait. Car elle est aussi, au cœur de la raison, le principe de la critique des usages qui en sont faits pour interdire toutes innovation, toute hardiesse de pensée.

(2) Le mot du jour : Prosopopée. subst. fém.

Rhétorique. Figure par laquelle l'orateur ou l'écrivain fait parler et agir un être inanimé, un animal, une personne absente ou morte

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