Monday, December 08, 2008

Citation du 9 décembre 2008


Jeunesse. L'âge du possible.

Ambrose Bierce – Le dictionnaire du Diable

Bierce fait-il un constat positif quand il dit que la jeunesse, c’est l'âge du possible ?

On a déjà évoqué le dénigrement du bonheur d’être jeune (Nizan, Post du 3 janvier 2008). S’agirait-il malgré les apparences de dire que la jeunesse est une période dont nous ne devrions pas avoir la nostalgie quand nous l’avons perdue ?

L’âge du possible : déjà qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

Et si l’âge où tout est possible était en fait l’âge où tout n’est que possible ? On renverrait ainsi les projets de la jeunesse à la rêverie dont ils sont issus, soulignant l’impuissance des jeunes à les réaliser.

C’est possible (puisque tout est possible)… Mais je voudrais souligner quant à moi un fait à mes yeux un peu plus remarquable : c’est que la jeunesse parfois tremble de se définir par le possible, car elle est ainsi confrontée à la nécessité de faire des projets.

Voyez l’époque où l’on était mineur – ou pharmacien – de père en fils. Là point de possible – mais aussi point d’angoisse : même la fiancée était choisie par les parents en fonction de critères sociaux, économiques qui délimitaient les candidates à un petit nombre de jeunes filles, toutes interchangeables d’ailleurs.

Aujourd’hui, tout est possible parce que les règles, les normes ont disparu : même si vous êtes noir, juif et borgne (comme Sammy Davis Junior (1)) vous pouvez tout espérer, même devenir président de la république.

Seulement voilà : il faut pour cela espérer, c’est à dire avoir envie de quelque chose.

L’âge où tout est possible signifie l’âge de tous les désirs, l’âge où tous ces désirs peuvent avoir du temps pour s’incarner. Mais que se passe-t-il quand on n’a envie de rien ? Je veux dire : même pas envie d’organiser des concerts rocks, même pas envie de devenir star de la chanson ?

Un souvenir en passant : lors d’un repas de fin d’année, un de mes élèves me disait : « le problème pour moi, c’est que rien ne m’intéresse » ; il parlait des études qu’il allait devoir choisir après le bac – qu’il venait de passer. Ne croyez pas que ce jeune homme ait été un légume. Pas du tout. Simplement, comme beaucoup de jeunes, il n’avait pas vraiment envie de s’engager dans une voie où, il le sentait bien, il allait devoir s’impliquer un peu.


(1) « Pourquoi êtes-vous si populaire ? - Je suis vieux, noir, juif (converti n.d.l.r.) et borgne, alors je pense que si je suis populaire, c'est parce que je chante bien ! » (Citation de Sammy Davis Jr)

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