Wednesday, January 27, 2010

Citation du 28 janvier 2010

[...] il n'y a vraiment que le néant qui soit continu.

Bachelard – L’intuition de l'instant

Ah… le néant ! Voilà vraiment la pierre de scandale philosophique, la croix du philosophe : pire que la liberté, bien pire même que le temps, le néant est le concept piège par excellence.

Car quoique vous disiez pour le définir, on vous rétorque « En accordant une caractéristique au néant, tu lui accordes forcément une existence, et donc tu te contredis – ou bien tu parle d’autre chose que du néant ». Dans les disputes médiévales, c’était une constante : l’exemple de la contradiction c’était une phrase débutant par la formule : « Le néant c’est… ».

Vous me suivez ? Pour faire simple, reprenons la citation de Bachelard : « il n'y a vraiment que le néant qui soit continu. ». Dire « que le néant soit », c’est supposer qu’il est, donc que, possédant l’existence, il n’est plus le néant. Peut-être bien que le néant est ce dont on ne peut rien dire (1).

C’est vrai, et pourtant la formule de Bachelard est riche, très riche de sens…

Admettons qu’il nous parle ici de la distinction non pas entre l’être et le néant mais entre l’être différencié et l’être indifférencié.

- Si le néant s’oppose à l’être, alors celui-ci doit se définir par le discontinu, c’est-à-dire par l’individualité. L’être différencié, c’est vous, c’est moi, c’est le poisson rouge, l’arbre, ou le rocher. En bref c’est tout ce qui a un contour, une forme qui le met en rapport avec d’autres formes et d’autres contours.

- L’être indifférencié, c’est le chaos, ou le tohu-bohu (définition ici). Parlons plutôt du tohu-bohu qui est de l’énergie, cette énergie qui était dans le monde avant que Dieu ne l’eut façonné en distinguant les différentes parties qui le constitueront finalement.

Or, justement, j’ai l’impression que le « néant » bachelardien, c’est plutôt ça : de l’énergie, du genre de celle qu’on imagine à l’origine de l’univers quand le big-bang vient juste de se produire et que les différentes particules n’ont pas eu encore l’occasion de se différencier.

Bon, rêveries peut-être, rêveries dont notre philosophe est coutumier…


(1) Un autre exemple : quand Sartre parle du néant dans l’Etre et le néant, on devine qu’il a dans la pensée plutôt le vide épicurien. Mais bon, ça n’a pas une importance fondamentale pour le fonctionnement de sa thèse.

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