Thursday, January 28, 2010

Citation du 29 janvier 2010

Je sais telle personne que j'ai vue tous les jours pendant douze ans, et qui, grâce à une charmante vivacité d'esprit, ne m'a jamais laissé terminer une phrase. - Les personnes de ce caractère croient qu'elles devinent aux premiers mots ce que vous voulez dire ; alors, sans attendre plus longtemps, elles vous coupent la parole, et répondent avec ardeur et véhémence à ce que vous n'avez ni dit, ni voulu dire, ni pensé.

Alphonse Karr – Une poignée de vérités

Dans la série « Les gens qui vous horripilent » : les coupeurs de parole.

Nous connaissons tous – comme Alphonse Karr – des gens qui nous coupent la parole pour nous répondre avant que nous ayons eu l’occasion de terminer notre phrase. Et on pense aujourd’hui à ces débats stériles dont la radio ou la télé nous abreuvent, où chacun essaie de parler « sur » l’autre, non seulement pour l’empêcher de s’exprimer, mais encore pour phagocyter son temps de parole pour profiter d’un plus grand délai pour s’exprimer.

Oui. Mais il y a pire : il y a ceux qui vous coupent la parole pour terminer votre phrase, à votre place, manifestant ainsi avec vous un centre d’intérêt commun, une complicité, une communauté de pensée.

Ceux-là malgré leur intention qu’on suppose amicale sont les pires, non seulement parce qu’ils peuvent se tromper – j’avoue prendre un malin plaisir à poursuivre mon propos sur un chemin qui n’est pas le leur et jouir ainsi de leur mine déconfite – mais parce qu’en disant ce que nous-mêmes nous allions dire, ils prennent un ascendant sur nous, ils se mettent en surplomb par rapport à nous, ils englobent notre pensée dans la leur.

Autrefois, on disait aux petits enfants : « On ne parle pas pendant les repas ! », laissant ainsi aux adultes le droit d’exercer seuls le pouvoir de parler. Et puis il y a eu la révolution éducative, et l’enfant roi, celui qui parle étourdiment en même temps que vous, qui vous coupe la parole parce qu’il n’écoute pas ce que vous dites et que son avis lui paraît plus important que tout.

Mais j’ai connu des enfants encore plus exigeants, qui piquaient des crises de rage quand on ne leur laissait pas terminer leurs phrases. Ceux-là exprimait en toute naïveté ce que nous n’osons plus dire ouvertement : les coupeurs de parole portent atteinte à notre droit à la parole, c'est-à-dire à la libre pensée

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